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VICTOR CROUIN : « CE TITRE DE CHAMPION D'EUROPE SIGNIFIE BEAUCOUP POUR MOI »
Équipe de france 18/04/2017Il y a quelques jours, Victor Crouin est devenu le quatrième joueur français champion d'Europe junior.
À 17 ans, le Toulonnais continue son superbe parcours en jeunes, avant des prochains mois qui s'annoncent excitants : dans un premier temps le baccalauréat, puis le championnat du monde en Nouvelle-Zélande et son dernier British Junior Open. Des résultats majeurs sur ces tournois lui permettraient de rentrer un peu plus dans l'histoire du squash hexagonal, avant un probable départ aux États-Unis. Entretien.
Jérôme Elhaïk : Salut Victor. Une question que je pose souvent aux joueurs – mais c'est toujours intéressant de connaître la réponse : à quoi as-tu pensé dans les secondes qui ont suivies ta victoire en finale ? Et est-ce que tu places ce titre en haut de la liste de tes meilleurs souvenirs dans le squash ?
Victor Crouin : Avant de répondre à ta question, je vais remonter un peu en arrière. Quand je suis rentré sur le court au début du quatrième jeu, je ne pensais qu'à une chose : me détendre, et durcir les échanges. À un moment donné, je me suis mis à compter les points à rebours, c'est à dire le nombre que j'avais besoin de marquer pour remporter le match, plutôt que le score en lui-même. Ça m'a donné un petit coup de boost supplémentaire. Je ne voulais pas laisser passer ma chance, du coup la pression est montée lorsque je suis arrivé près du but. Le bras tremble un peu au service, mais lorsque l'échange commence la retenue disparaît. J'essaie de mettre en place ce que je travaille avec mon père mais aussi mon préparateur mental au CREPS, Olivier Guidi que je remercie milles fois ! « Point par point », « penses uniquement à tes largeurs de balles » sont les choses que je me répétais dans ma tête. Je ne pensais plus du tout à la technique ou la tactique, uniquement à l'aspect mental.
Victor Crouin a laissé éclater sa joie après sa victoire en finale (Crédit photo : KPhoto)
Lorsque j'ai gagné, j'ai crié : ce n'était pas du soulagement mais vraiment de la joie. J'étais fier de cette victoire, et tout simplement heureux comme un enfant. Je dirais que je suis un grand enfant maintenant (rires). C'était un bonheur simple mais dont je garderais longtemps le souvenir dans ma tête ... Et puis quelques minutes après avoir réalisé, je me suis dit : « Mince, je vais devoir faire un discours ! » Peu de joueurs français ont remporté ce titre (NDLR : Grégory Gaultier, Grégoire Marche et Lucas Serme chez les garçons), et ils ont tous atteint le top niveau mondial par la suite. Donc il signifie beaucoup pour moi et je le classe sans hésitation comme l'un de mes meilleurs souvenirs dans le squash.
“Le plus important pour moi était de gérer l'aspect mental.”
J.E. : Ton adversaire en finale – l'Anglais Kyle Finch – est un joueur que tu avais souvent affronté dans le passé. D'un point de vue tactique, est-ce que le match s'est déroulé comme tu le pensais ? Ça a été serré du début à la fin, y-a-t-il un moment en particulier dans le match où tu as senti que tu avais pris le dessus ?
V.C. : On s'est souvent joués quand on était plus jeunes, mais notre dernière confrontation remontait à il y a deux ans, c'était d'ailleurs sur le même court à Lisbonne (en finale du championnat d'Europe par équipes -17 ans). Je m'étais également imposé en quatre jeux et je me suis souviens d'un match très intense. Même si avant le match, j'ai relu mes notes de l'époque, je ne me suis pas vraiment appuyé dessus pour élaborer une stratégie, car depuis nous avons tous les deux énormément évolué ! Ma tactique a donc changé au fil du match, même si encore une fois j'étais plus préoccupé par l'aspect mental et la qualité de mes frappes. Au premier jeu, j'étais un peu timide car Kyle jouait vraiment bien. J'étais sur le reculoir, je me suis donc concentré sur ma capacité à volleyer et contrôler le T. J'ai toujours couru derrière le score, mais j'ai senti que je commençais à prendre la mesure des échanges et ça m'a fait du bien moralement avant le deuxième jeu. Je pense qu'il a été le tournant. J'ai pris une belle avance mais Kyle est remonté petit à petit. J'étais un peu tendu en fin de jeu, et je commets une faute sur ma première balle de jeu à 10/9, avant de lâcher un peu plus le bras ce qui me permet de conclure 13/11. En y réfléchissant, je pense que le troisième jeu a également été très important, car Kyle a rapidement mené au score mais j'ai réussi à remonter progressivement et à le gagner.
Victor est venu à bout de l'Anglais Kyle Finch à l'issue d'une belle finale (Crédits photo : KPhoto)
J.E. : Au-delà de ton titre, es-tu satisfait de ta semaine ? Es-tu es parvenu à mettre en place les choses que tu voulais au cours de tes matches ?
V.C. : Le Championnat d'Europe est toujours un événement majeur dans la saison, je me prépare pour gagner ce genre de tournoi. Le but n'était pas de mettre des choses en place, seule la victoire compte. Je suis donc TRÈS satisfait de ma semaine ! J'insiste, mais le plus important à mes yeux était de gérer l'aspect mental. Tout le reste, je l'ai travaillé en amont pendant ma préparation, et plus généralement depuis que je joue au squash. J'ai eu des cycles d'entraînement physique mis en place par les préparateurs du CREPS, Arnaud Hays et Fabrice Vetoretti, des séances d'opposition avec mes partenaires d'entraînement dirigées par Renan Lavigne et Yann Perrin, ainsi que des séances individuelles avec mon père et Renan. Je les remercie tous pour ce qu'ils m'ont apporté.
J.E. : Tu as enchaîné directement par l'épreuve par équipes, est-ce que ça été compliqué où au contraire tu as surfé sur une vague de confiance après ton titre individuel ?
V.C. : C'est vrai que ça n'a pas été facile. J'ai perdu beaucoup d'influx sur le tournoi individuel, et le simple fait de retourner sur le court a été une sensation bizarre. Comme si le sentiment d'accomplissement était déjà parti ! Je devais repartir au travail pour relever de nouveaux défis. D'un autre côté, ma confiance était évidemment au maximum.
J.E. : Concernant la compétition, on savait que ça allait être compliqué car l'équipe a été énormément renouvelée (pertes de Benjamin Aubert, Sébastien Bonmalais, Elise Romba et Julie Rossignol par rapport à celle qui avait décroché l'argent en 2016) et la concurrence était forte.
V.C. : On savait qu'on allait devoir élever notre niveau de jeu pour avoir une chance de monter sur le podium, sachant que les Anglais étaient très au-dessus. Rohan Mandil l'a d'ailleurs fait dans le match décisif en quart de finale contre l'Espagne, il s'est vraiment bien battu mais ça n'a pas été suffisant. Cette septième place est évidemment loin d'être notre meilleur résultat (NDLR : le moins bon pour une équipe de France -19 ans depuis l'an 2000), mais nous reviendrons plus fort l'année prochaine avec la même équipe. De mon côté, j'ai essayé de donner tout ce que j'avais pour que l'équipe gagne (NDLR : Victor a remporté tous ses matches, portant son total à onze pour sa semaine Lisboète). Ce fût néanmoins une bonne expérience, et le Portugal est définitivement l'une des mes destinations préférées. J'en profite pour remercier l'organisation pour le travail fourni, et mes coéquipiers avec qui j'ai passé de très bons moments, même dans la défaite. Ainsi qu'aux entraîneurs, à notre kiné pour les conseils et les soins, et à tous ceux qui nous ont encouragés tout au long de l'événement.
La journée de samedi compliquée pour les Bleuets (défaites contre l'Espagne et l'Allemagne) n'a pas entamé la solidarité dans leurs rangs (Crédit photo : KPhoto)
J.E. : Est-ce difficile de gérer la transition entre les tournois jeunes et adultes ? Chez les juniors, tu gagnes quasiment tous tes matches, alors qu'en 2017 tu n'as gagné qu'un seul match sur le circuit PSA.
V.C. : En effet ce n'est pas évident mais ça dépend de la manière dont on voit les choses. Je n'ai peut-être gagné qu'un seul match mais c'était une belle performance (contre le Portugais Rui Soares à Annecy). Je me suis mis beaucoup de pression, pas toujours à bon escient et je veux désormais jouer en étant relâché : même si je joue de plus en plus de tournois PSA, je suis encore junior et ces matches sont donc un bonus pour moi. Alors pourquoi parler de transition ? Mes véritables objectifs sont en jeunes, où j'ai encore une saison et demi devant moi, avec un championnat du monde, un British Open et un championnat d’Europe, sans oublier le classement européen et mondial.
“En ce qui concerne les tournois PSA, je veux désormais jouer en étant relâché.”
J.E. : Dès demain tu seras à Lorient pour le 2ème Open International. Quel sera ensuite ton programme avant de passer le bac ?
V.C. : Après Lorient, j'ai deux autres tournois 5 000 $ prévus fin mai, à Angers et en Pologne. Ensuite, je ferai effectivement un break pour préparer le bac.
J.E. : En juillet, il y aura le championnat du monde junior en Nouvelle-Zélande. Dis-moi si je me trompe mais même si tu voyages depuis de très nombreuses années avec le squash, tu n'es jamais sorti du continent. Est-ce que ça rend cette compétition encore plus particulière ou l'objectif sportif passe avant tout ?
V.C. : En effet ce voyage va être une grande première. Il faudra que je digère le décalage horaire et que je m'adapte aux conditions météorologiques (je crois que ce sera l’hiver là-bas). En dehors du contexte et de l’objectif majeur qui sera le mien à Tauranga, ce sera aussi une très belle expérience humaine à vivre. J’ai vraiment hâte de découvrir un tel pays et de partir de l’autre bout de la planète.
Battu de justesse par Youssef Ibrahim en 1/8ème de finale l'an dernier, Crouin fera - comme l'Egyptien - partie des prétendants lors du championnat du monde junior en Nouvelle-Zélande (Crédit photo : WSF World Juniors)
J.E. : Je crois que je connais déjà la réponse, mais es-tu un boulimique de squash ? Est-ce que tu suis tous les résultats et regardes les matches sur SquashTV ? Et est-ce que tu parviens à couper de temps en temps ?
V.C. : Passionné oui c'est le moins que l'on puisse dire ! J'essaie de regarder tous les matchs et lorsque je ne peux pas si je dois réviser, ça me manque. Je suis aussi les résultats grâce aux réseaux sociaux. Pour ce qui est de couper, je le fais pendant une semaine lors de la trêve estivale. Je passe du temps en famille, à la plage, et je pratique d’autres sports. Mais je reviens vite à la base, c’est-à-dire au squash (rires). Et d'ailleurs il va bien falloir que je fasse une pause pour mes examens ...
“J'ai le sentiment qu'en France, on doit laisser le sport de haut niveau de côté si l'on aspire à des études supérieures.”
J.E. : C'est peut-être un peu tôt pour en parler, mais tu avais évoqué il y a quelques temps un possible départ en université américaine. Est-ce qu'il y a du nouveau à ce sujet ?
V.C. : Ce n’est pas un secret, je vais certainement quitter la France après une année sabbatique. J'ai le sentiment que dans notre pays, on doit laisser de côté le sport de haut niveau si l’on aspire à des études supérieures : ça n'est pas ma philosophie, certainement en raison de mon éducation. Ma priorité étant l’aspect scolaire, les universités américaines sont plus à même de me procurer un diplôme solide tout en ayant la possibilité de m’entraîner régulièrement et de manière qualitative. Je prévois donc de rester une saison de plus à Aix en me concentrant sur le squash. Je vais également en profiter pour passer mon permis de conduire. Mon objectif est d'être installé aux États-Unis en septembre 2018. Mais attention, pour autant je suis très reconnaissant de ce que ces quatre années m’ont apportées. D'ailleurs, pourquoi ne pas revenir après mon passage aux États-Unis ? Si on regarde le parcours d’un Ali Farag (actuel n°6 mondial, qui a étudié à Harvard), à mon âge il était dans les 200 premiers mondiaux, l'année suivante il est monté top 100 puis 80 juste avant de commencer ses études. À 23 ans, il était top 25. Pas mal non ? J’aimerais donc faire le même parcours et si je suis top 25 à 23-24 ans, je pense que la structure fédérale voudra bien de moi … Si ce n'est pas le cas, je ferai avec les gens qui m’entourent, j'ai déjà une petite équipe composée de personnes compétentes et de confiance.
Victor Crouin – Bio
17 ans
(Crédit photo : KPhoto)
Licencié au Squash Av'New (Toulon La Valette)
Entraîneurs : Renan Lavigne, Yann Perrin, Emmanuel Crouin
PSA
Classement mondial : 163ème (meilleur classement)
1 demi-finale (Sekisui Open 2016) + 5 quarts de finale sur le circuit
France
Classement senior : 10ème (meilleur classement)
N°1 français en jeunes
5ème du du championnat de France 2017
Champion de France -11 ans 2010, -13 ans 2012, -15 ans 2014, -17 ans 2015 et 2016 et -19 ans 2017
Championnat de France -19 ans 2017 (Crédit photo : Jean-Luc Paquemar)
International
n°1 junior européen – n°4 mondial junior
Champion d'Europe junior 2017
Vice-champion d'Europe junior par équipes 2016
Championnat d'Europe junior par équipes 2016 (Crédit photo : squashsite)
Vice-champion d'Europe par équipes -15 ans 2014
Vice-champion d'Europe par équipes -17 ans 2015
Huitième de finaliste du championnat du monde junior 2016
5ème du championnat du monde junior par équipes 2016
Quart de finaliste du British Junior Open -19 ans 2017, -17 ans 2016 et -15 ans 2014
11 titres en tournoi européen Super Series (4 en -19 ans, dont le Pioneer Junior Open 2016)