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VICTOR CROUIN : « AFFICHER CLAIREMENT MES OBJECTIFS, ÇA M'AIDE À AVANCER »

Équipe de france 17/08/2025

Alors que les Jeux Mondiaux s'achèvent ce dimanche à Chengdu (Chine), on revient sur les performances des Bleu(e)s du squash avec des interviews des deux médaillés.

On commence avec Victor Crouin, qui a vécu une semaine inoubliable : porte-drapeau de la délégation tricolore lors de la cérémonie d'ouverture, il est ensuite devenu le premier homme à conserver son titre dans l'épreuve. À 26 ans, le Toulonnais continue de se construire un sacré palmarès.

Propos recueillis par Jérôme Elhaïk

Victor, avec quelques jours de recul quel est le sentiment qui prédomine quand tu repenses à ta victoire en Chine ?

En premier lieu, la fierté. J’avais clairement affiché l’objectif de conserver mon titre : dans cette situation, il y a une forme de responsabilité, et je savais que j’étais attendu. D’ailleurs, on me demande souvent si ce n’est pas difficile d’avoir l’étiquette de favori mais pour moi c’est tout le contraire, je prends ça comme un challenge. 

Que penses-tu du fait que peu de top players participent à cette compétition (NDLR : à Chengdu, 6 membres du top 40 mondial étaient présents) ?

C’est le problème des disciplines qui ont un circuit professionnel qui fonctionne bien, c’est difficile de trouver de la place pour les compétitions internationales et la date des Jeux Mondiaux n’est pas idéale. Bien sûr, je préfèrerais qu’ils soient plus relevés. Mais premièrement, ça ne dépend pas de moi, et deuxièmement le fait que ce soit un évènement multisport lui donne un prestige particulier. J’avais gardé un super souvenir de ma victoire en 2022 aux États-Unis, et c’est la compétition qui se rapproche le plus des JO pour les athlètes qui ne participent pas aux Jeux du Commonwealth. Et alors que le squash va justement devenir olympique, c’est une opportunité d’échanger avec les membres du CNOSF.

« Le fait que les Jeux Mondiaux soient un évènement multisport lui donne un prestige particulier. »

Quel est ton avis sur l’organisation de ces 12èmes Jeux Mondiaux, qui a fait l’objet de pas mal d’éloges ?

Je dirais qu’à l’image de la Chine, elle était démesurée sur tous les aspects, par exemple les protocoles de sécurité ou le nombre de bénévoles, entre 20 et 30 000 d’après ce que j’ai entendu. Les hôtels, les navettes, tout était impeccable, et comme vous l’avez vu, il y avait 4 courts vitrés - du jamais vu dans le squash - ainsi que des protocoles très stricts, des shows son et lumière avant toutes les sessions etc. Ils ont mis la barre très haut, et sans aucun doute les instances du squash pourraient s’en inspirer pour leurs compétitions.

Interview Victor Crouin Photo 1

Porte-drapeau lors de la cérémonie d'ouverture, médaillé d'or pour la deuxième édition d'affilée, Victor Crouin a vécu une semaine inoubliable en Chine (Crédit photo : France Olympique)

Tu n'as pas eu un match facile pour ton entrée en lice face au Japonais Ryunosuke Tsukue, est-ce qu’il y avait un peu de pression parce que tu avais été porte-drapeau lors de la cérémonie d’ouverture ?

Je ne pense pas que ce soit lié à ça, c’est plutôt le retour à la compétition après deux mois de break. En plus, j’avais eu un bye au premier tour, c’était mon premier match sur le court vitré qui était assez particulier avec pas mal de nicks gagnants. Ça ne m’avantage pas forcément car j’aime bien couvrir le terrain, il a fallu être bon et ne pas donner d’opportunités aux adversaires. Cela étant dit, être porte-drapeau c’est une rôle important, qui a généré des sollicitations avant le compétition. C’est quelque chose d’avoir 120 athlètes français qui marchent derrière toi, et du coup c’était bien que je sois accompagné de Léa Labrousse, qui a déjà participé à des Jeux Olympiques. 

J’imagine que le CNOSF voit d’un bon œil que l’un de ses porte-drapeaux remporte une médaille d’or ?

Oui, et le chef de mission me l’a fait remarquer. D’autant qu’avec sa partenaire, Léa ne s’est malheureusement pas qualifiée pour la finale en trampoline synchronisé. De manière générale, c’était super d’avoir le soutien du CNOSF, par exemple des kinés, et de pouvoir échanger tous les soirs au QG de l’équipe de France. 

Revenons à la compétition, quelle analyse fais-tu de ton parcours ?

Dans le jeu, tout n'a pas été facile, mais je suis très satisfait de ma gestion des moments clé et de mes gestes mentaux, notamment vis-à-vis de l’arbitrage. Quand je n’étais pas d’accord avec une décision, ça m’a boosté alors que ce n’est pas toujours le cas. Contre Ryunosuke Tsukue, je mène 2-0 et 5-1, je me relâche et je me mets un peu dans la merde (sic) tout seul, cependant le fait d’avoir réussi à éviter un cinquième jeu alors qu'il a eu des balles de jeu dans le quatrième m’a donné confiance pour la suite. 

Est-ce que c’est normal que tout ne soit pas en place dans ton jeu pour une compétition de reprise, et quelles sont les choses que tu aurais pu mieux faire ?

Normal non pas forcément, par exemple la saison dernière j’avais fait de très bons championnats d’Europe individuels pour ma reprise. En Chine, j’ai eu du déchet en attaque, avec des balles faciles au milieu qui ont été des fautes plutôt que des points gagnants, notamment en demi-finale contre Miguel Rodriguez. La première compétition après cinq grosses semaines de préparation n’est pas facile, mais je ne suis pas inquiet car la régularité n’est pas la chose la plus difficile à améliorer. Par contre, je suis satisfait de ma prestation en finale contre Farkas Balasz, en particulier la fin du premier jeu que j’ai conclu avec deux superbes coups gagnants.

« Tout n'a pas été facile, mais je suis très satisfait de ma gestion des moments clé. »

Marquer des points rapidement, est-ce l’une des clés pour battre les meilleurs et revenir dans le top 8 mondial ?

Rapidement, pas forcément, je dirais plutôt qu’il faut savoir saisir ses opportunités d’attaque quand on a pris sur le dessus sur l’adversaire grâce à une bonne trajectoire de balle. Parmi les autres points importants, il y a la manière dont je gère les décisions d’arbitrage, et il faut que je m’impose physiquement en passant les interférences.

Interview Victor Crouin Photo 3

Les Jeux Mondiaux de Victor Crouin n'ont pas été un long fleuve tranquille, surtout en demi-finale contre Miguel Rodriguez, mais le Toulonnais a trouvé les solutions pour s'en sortir (Crédit photo : World Games)  

Concernant le circuit international, Ali Farag et Tarek Momen viennent de prendre leur retraite, il y a des jeunes qui montent, on a l’impression d’être dans une ère où il y a des opportunités à saisir ?

Pour l’instant, le top 4 (Mostafa Asal, Diego Elias, Paul Coll, Joel Makin) est au-dessus. Ensuite, il y a un trio de 5 à 7, l’objectif est de les pousser à prendre leur retraite eux aussi (rires), même si Marwan ElShorbagy est plus jeune que son frère Mohamed et Karim Abdel Gawad. J’ai lu l’interview récente de Mo, dans laquelle il disait que les joueurs de ma génération devraient déjà être installés dans le top 8. Non ça ne m’a pas vexé, ça m’a fait plutôt sourire et en tant que légende de notre sport il a le droit d’avoir son opinion. Je regarde devant tout en étant conscient que le top 50 est hyper dense, les Jeux Mondiaux l'ont prouvé.

Tout à fait, on l’a vu avec la victoire de Farkas Balasz 3-0 contre Dimitri Steinmann en demi-finale.

Il faut quand même préciser qu’il a sans doute joué le match de sa vie, si vous ne l’avez pas vu je vous invite à le faire surtout que ça ne dure pas longtemps (rires). J’avais rarement vu Dimi aussi impuissant sur un court.

Du coup, le Hongrois sera un joueur à prendre au sérieux au championnat d’Europe individuel qui débute mercredi à Chartres, et il est d'ailleurs dans ta moitié de tableau. Ça ne va pas être trop dur d’enchaîner les deux compétitions ?

Il y a sept jours d'intervalle, c’est largement suffisant pour récupérer. Pour la Fédération et le directeur technique national, les Europe sont une priorité mais pour moi il était impensable de ne pas défendre mon titre en Chine ! Concernant un possible match contre Farkas Balasz, tu me connais ce n’est pas mon genre de prendre un adversaire à la légère, quel qu’il soit. L’objectif à Chartres est clair, remporter un troisième titre européen consécutif, et le faire en France aurait une saveur particulière.   

Interview Victor Crouin Photo 4

Père et entraîneur de Victor, Emmanuel Crouin (avec la casquette) est de plus en plus présent sur les tournois depuis quelques mois (Crédit photo : World Games)  

Tu n’hésites pas afficher clairement tes objectifs, ce qui n’est pas monnaie courante dans le squash.

Il y a plusieurs raisons à ça, notamment le fait que les joueurs n’ont pas le même espace médiatique que dans d’autres sports. En ce qui me concerne, être transparent sur mes objectifs me donne de la confiance sur le court. Quand je suis mené 7-3 dans le 5ème jeu contre Miguel Rodriguez, pas une seconde je ne me vois perdre ce match. Quand je gagne un titre, je prends un peu de temps pour savourer mais je bascule rapidement vers la prochaine échéance. Et en cas d’échec, je ne me voile pas la face et je fais tout pour trouver des solutions. D’ailleurs, je pense que je peux être encore plus ambitieux sur les gros tournois, il ne faut plus simplement les aborder en visant un quart de finale.

« C'est super d'avoir mon père à mes côtés pendant les tournois. »

Depuis quelques mois, on voit que ton père, qui est aussi ton entraîneur, est de plus en plus présent sur les tournois.

Ça a toujours été mon objectif de l'avoir à mes côtés mais auparavant ce n’était pas possible, notamment pour des raisons financières. Aujourd'hui, la situation est différente, avec le soutien de la Fédération et le fait que je fasse partie du plan Ambition 2028, ainsi que le contrat avec mon nouveau club du GMSquash. C’est super pour plusieurs raisons : d’abord, on peut célébrer les victoires ensemble, c’était bizarre de le faire au téléphone. Ensuite, on gagne un temps fou dans l’analyse des matches et la mise en place des plans tactiques, et mon entraînement pendant un tournoi est de meilleure qualité quand il est là. D’un autre côté, on a encore une marge de progression dans notre relation entraîneur-entraîné, et dans la gestion de nos émotions. Nous sommes tous les deux suivis par Ingrid Petitjean, préparatrice mentale qui optimise également le relationnel entre mon père et l’entraineur national Mathieu Castagnet.

Du coup, j’imagine qu’assister aux tournois sur place et non plus à distance permet à ton père de progresser en tant que coach ?

Oui, sans aucun doute ! Pour nous deux, c’est un peu une nouvelle aventure qui commence.

LE SQUASH ET LES JEUX MONDIAUX, L’HISTOIRE CONTINUE

Avec 11 médailles d'or, 11 d'argent et 16 de bronze, la France a terminé 5ème au classement des médailles, soit le même classement qu'en 2022 à Birmingham (États-Unis). Dans nos précédents articles, nous vous disions que le squash ne serait pas présent lors de la prochaine édition des Jeux Mondiaux, il s'avère que cette information était erronée. En effet, le choix des disciplines pour Karlsruhe 2029 avait été effectué avant l’annonce de l’intégration de la discpline aux Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 en tant que sport additionnel. « C’est trop tôt pour dire si je défendrai mon titre, mais pourquoi pas ? » affirme Victor Crouin.

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Le squash sera à nouveau présent aux Jeux Mondiaux 2029, et Victor Crouin (au centre) aura l'opportunité de viser le triplé (Crédit photo : World Games)  

Rendez-vous lundi matin pour retrouver l'interview de Marie Stéphan, médaillée d'argent aux Jeux Mondiaux 2025

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