Le Nantais revient sur cette folle semaine en Afrique du Sud, qui lance parfaitement sa saison.

Article de Jérôme Elhaïk

Baptiste, est-ce que tu réalises que tu es double champion du monde universitaire ?

Pas encore, ça va prendre un peu de temps je pense. J’ai beaucoup travaillé mentalement cet été et l’un des points importants, c’était de ne pas aller trop haut dans les émotions quand on gagne ni trop bas quand on perd. J’essaie de vivre le moment présent, en me disant que c’est la récompense du travail accompli. Après mon titre en individuel, on n’a pas trop fêté ça car la compétition par équipe commençait le lendemain et je voulais rester concentré.

Ce qui est dingue, c’est que tu ne faisais pas partie de la sélection au départ, et tu repars d’Afrique du Sud avec deux médailles d’or …

Je n’y avais même pas pensé ! En effet, Macéo Lévy et moi on a été appelés en juillet en remplacement de Toufik Mekhalfi et Edwin Clain. Cette compétition, je l’ai abordé à la fois sans pression et comme un défi personnel. J’ai fait une bonne préparation cet été, je me sentais bien dans toutes les composantes de la performance (technique, physique, tactique, mental) et j’étais curieux de voir ce que ça allait donner sur le court. J’ai pris les matches les uns après les autres sans me projeter, avec de nouvelles routines qui ont bien fonctionné. Une chose est sûre, je vais les garder celles-là !

Le moment où Baptiste Bouin est devenu champion du monde universitaire (📷 FISU)

Au palmarès de cette épreuve, il y a des noms très prestigieux, comme Thierry Lincou, Ramy Ashour et plus récemment Mostafa Asal. Cette année, il n’y avait pas de joueurs du top 100, mais comme on dit les absents ont toujours tort et de plus tu as gagné tous tes matches sans perdre un jeu.

Je suis conscient qu’avec l’absence des Égyptiens et des Britanniques, le tableau n’était pas aussi relevé que d’habitude. Mais j’ai battu des joueurs mieux classés que moi avec la manière, je mérite ce titre. De plus, ça me tenait à cœur de gagner tous mes matches dans l’épreuve par équipe pour être invaincu, et j’y suis parvenu.

« Je voulais vraiment terminer la semaine invaincu et je suis content d'y être parvenu. »

Tu parles de la compétition par équipe, il y avait un format spécifique avec ces jeux en 7 points, tu en as pensé quoi ?

Comme j’ai gagné tous mes matches, je ne suis pas objectif donc je vais dire que j’aime bien ! Ça va vraiment très vite, un coup gagnant, un stroke et une faute, on peut se retrouver à la moitié du jeu en quelques secondes. Personnellement, je l’ai pris comme un challenge mental, je voulais me prouver que je pouvais supporter cette pression.

Tu a eu le privilège de lancer la finale, contre le joueur Hong-Kongais que tu avais battu en finale individuelle.

Comme j’avais gagné 3-0, on s’attendait à ce que je fasse la même chose, d’autant qu’on en avait parlé entre nous et on savait que ça pouvait se jouer au nombre de jeux gagnés. Là aussi, je suis content d’avoir relevé le défi. Léa avait eu une semaine compliquée, mais elle a vraiment été solide pour prendre un jeu à une joueuse beaucoup mieux classée qu’elle, ensuite Macéo a fait ce qu’il fallait puis Kara a terminé le travail en gagnant le premier jeu 7-6.

Tout au long de la semaine, Baptiste Bouin a affiché à la fois calme et détermination (📷 FISU)

Si je ne me trompe pas, tu n’avais pas joué en sélection depuis les -17 ans, ça fait quoi de revêtir le maillot de l’équipe de France ?

C’est évidemment quelque chose de très spécial. Quand on a le mot France dans le dos, on n'a absolument pas le droit de lâcher quoi que ce soit. Pour l’anecdote, on m’a fait remarquer que j’avais rentré mon maillot dans mon short, ce que je ne fais pas d’habitude. C’est quelque chose que font Thierry Lincou et Victor Crouin, je suppose que j’ai voulu m’inspirer des meilleurs (rires) …

En l’espace de quelques jours, tu as vécu un titre de champion du monde individuel, puis un en équipe, ce sont des émotions complètement différentes.

Franchement, je suis vraiment fier de la façon dont on a géré ce voyage et cette compétition, il y a vraiment eu une belle cohésion, que ce soit entre les joueurs et joueuses, avec l’entraîneur et avec le staff, alors qu’on ne se connaissait pas forcément tous très bien. Par exemple, Manu Paquemar a amené une énergie incroyable, et je tiens à souligner que son soutien a été très important pendant mes matches.

« J'ai commencé à travailler mentalement avec Jesse Engelbrecht, et j'essaie de ne pas trop aller ni trop haut ni trop bas dans les émotions. »

Tu parlais auparavant de travail mental, c’est un aspect de ton jeu qui selon toi était défaillant auparavant ?

Sans hésitation. Après ma défaite au tournoi PSA de Challans, contre Mohamed Gohar alors que je menais 2-0, j’ai estimé qu’il fallait changer quelque chose et depuis cet été je travaille avec deux nouvelles personnes, dont Jesse Engelbrecht de SportMind, qui bosse également avec Victor Crouin.

Carrément ! C’est un préparateur mental très réputé.

Je suis perfectionniste, quand je démarre quelque chose je ne fais pas les choses à moitié (rires). Il m’a déjà apporté énormément en termes de gestion des émotions, j’ai discuté avec lui pas plus tard que dimanche matin avant la finale par équipe et ses conseils ont été extrêmement utiles.

Sur la lancée du titre individuel de Baptiste Bouin, l'équipe de France a remporté le championnat du monde par équipe dimanche à Johannesbourg (📷 Team France)

Cerise sur le gâteau, on a appris avant la compétition qu’il y avait 200 points PSA à la clé pour le vainqueur du tournoi individuel, et tu vas donc effectuer un bond d’une cinquantaine de places au classement mondial (NDLR : il est actuellement 198^ème).

C’est clair que c’est un bon petit coup de boost pour démarrer, ça tombe bien j’ai dit à mon entraîneur, Stéphane Brévard et à mon père que c’était ma saison ! Je sais que j’ai des qualités, comme je le disais j’ai fait une bonne préparation et je suis convaincu que tout va se mettre en place. Je vais faire plusieurs tournois du Green Squash Tour, si les choses s'enclenchent bien et que j’arrive à gagner quelques matches je pourrais peut-être me rapprocher du top 100 assez rapidement.

On sait qu’être sportif de haut niveau n’est pas toujours facile, il y a des hauts et des bas, toi tu apprécies cette vie sur le circuit ?

Évidemment ce n’est pas rose tous les jours mais oui j’aime cette vie. C’est un apprentissage incroyable, on dit que c’est une école de la vie mais c’est totalement ça. À la fois grâce aux rencontres que l’on fait, mais aussi parce que sur le court on se retrouve face à soi-même et ses propres émotions …

« J'ai dit à mon entraîneur et à mon père que ça allait être ma saison ! »

Il s’est passé un truc assez amusant : quand tu as été appelé lors de la remise des prix, le speaker a dit « Baptiste Christophe Bouin, » Christophe est à la fois ton deuxième prénom et celui de ton père …

En fait, au moment de s’inscrire nous les français on avait mis tous nos prénoms – à priori on est les seuls à avoir fait ça - et ils ont utilisé nos noms complets dans les tableaux. Du coup, oui quelque part mon père a gagné ce titre avec moi, et ça tombe bien car il est en reconversion professionnelle et il est de nouveau étudiant ! L’autre clin d’œil, c’est que le 8 septembre c’est la date d’anniversaire de Mathis Lemarchand*, j’ai pensé à lui dimanche et je lui dédie notre titre.

*Excellent joueur de squash, et coéquipier de Baptiste Bouin en jeunes à Rezé, Mathis Lemarchand est décédé en 2017 à l’âge de 16 ans.

LE PARCOURS DU CHAMPION 🏆

✅ 1/16ème de finale : [5/8] Baptiste Bouin 🇫🇷 bat [25/36] Yukun Sun 🇨🇳 : 3-0 (11-4, 11-4, 11-3)

✅ 1/8ème de finale : [5/8] Baptiste Bouin 🇫🇷 bat [17/24] Jerome Clement Aw 🇸🇬 : 3-0 (11-4, 11-9, 11-5)

✅ Quart de finale : [5/8] Baptiste Bouin 🇫🇷 bat [3] Ondrej Vorlicek 🇨🇿 : 3-0 (11-1, 11-9, 11-9)

✅ Demi-finale : [5/8] Baptiste Bouin 🇫🇷 bat [2] Yat Long Chung 🇭🇰 : 3-0 (11-9, 11-8, 11-3)

✅ Finale : [5/8] Baptiste Bouin 🇫🇷 bat [9/16] Wai Lok To 🇭🇰 : 3-0 (11-4, 11-5, 11-9)

LES AUTRES FRANÇAIS 🇫🇷

5️⃣ Kara Lincou : pas de chance au tirage pour la Réunionnaise, battue par la tête de série n°1 et future lauréate Marta Dominguez. Kara a confirmé sa belle forme du moment en terminant 5ème.

5️⃣ Macéo Lévy : en quart de finale, il a mené 2-0 contre le futur finaliste Wai Lok To avant de s’incliner 13-11 dans le 5ème jeu. Macéo a bien rebondi en allant chercher la 5ème place.

8️⃣ Ana Munos : la Guyanaise n’a rien pu faire en quart face à la Hong-Kongaise Ching Hei Fung, tête de série n°4. Elle aurait pu s’offrir une belle perf dans le match pour la 7ème place face à la Singapourienne Wai Yhann Au Yeong (n°87 mondiale) mais a craqué après avoir mené 2-0.

9️⃣ Manuel Paquemar : éliminé en 1/8ème de finale par le Hong-Kongais Yat Long Chung, tête de série n°2, Manuel a remporté ses 3 matches dans le plateau 9-16, terminant par une victoire en 5 jeux face à l’Australien Brendan MacDonald.

🔟 Léa Barbeau : sortie par la Tchèque Tamara Holzbauerova en 1/8ème de finale, Léa a remporté ses deux matches suivants et c’est une autre Tchèque Michaela Cepova, qui l’a empêché d’obtenir la 9ème place.

Boostés par la médaille d’or de Baptiste Bouin, les Bleus avaient la ferme intention de conserver leur titre dans la compétition par équipe.

Leur principal adversaire en poule était l’Inde, et les protégés de Yann Perrin ont arraché un succès important au nombre de jeux, qui leur a permis de terminer premiers. Dans la demi-finale face à la République Tchèque, la France a composté son ticket avant le quatrième match, grâce aux succès de Macéo Lévy et Kara Lincou. C’est donc la finale attendue qui a eu lieu face à Hong Kong dimanche matin sur le court vitré du Wanderers Club.

La finale face à Hong-Kong a été une belle bataille, dont les Bleus sont sortis vainqueurs ! (📷 FISU)

Baptiste Bouin (n°198 mondial) a parfaitement lancé les siens en dominant nettement Wai Lok To (n°200), comme en finale de l’épreuve individuelle. Opposée à une joueuse bien mieux classée qu’elle, Léa Barbeau (n°126) a fait sa part du travail en prenant le premier jeu à Nga Ching Cheng (n°63), et la Française n’est pas passée loin de mener 2-1 avant de craquer en fin de match. Au vu de leurs classements respectifs, on s’attendait à un match serré entre Macéo Lévy (n°137) et Yat Long Chung (n°160). Le début de match est un combat, mais le tricolore va prendre le dessus physiquement et donner un succès crucial aux Bleus. À ce stade, Kara Lincou (n°146) n’a besoin que d’un jeu pour offrir le titre à la France, et la pression est donc sur Ching Hei Fung (n°94). La Réunionnaise effectue une très belle entame, avant de se faire rattraper par la Hong-Kongaise. À 6-6, la tension à son comble dans le camp tricolore, qui explose après une faute directe de Fung. Comme en 1998 et 2000, la France repart des championnats du monde universitaires avec deux médailles d’or dans ses valises …

FINALE

FRANCE 🇫🇷 bat HONG-KONG 🇭🇰 : 2-2 (8 jeux à 4)

✅ Baptiste Bouin 🇫🇷 bat Wai Lok To 🇭🇰 : 3-0 (7-3, 7-3, 7-5)

❌ Nga Ching Cheng 🇭🇰 bat Léa Barbeau : 3-1 (6-7, 7-4, 7-6, 7-1)

✅ Macéo Lévy 🇫🇷 bat Yat Long Chung 🇭🇰 : 3-1 (7-4, 5-7, 7-3, 7-3)

Ching Hei Fung 🇭🇰 bat Kara Lincou 🇫🇷 : 0-1 (6-7, match arrêté)

N’ont pas participé à la finale : Manuel Paquemar et Ana Munos. Entraîneur : Yann Perrin

La délégation tricolore au complet, de gauche à droite : Luc Belkhir (chef de délégation FFSU), Olivier Fronton (référent squash universitaire), Manuel Paquemar, Kara Lincou, Macéo Lévy, Ana Munos, Baptiste Bouin, Léa Barbeau, Yann Perrin (entraîneur) et Sébastien Gonord (kiné) (📷 FISU)

LE PARCOURS DES CHAMPIONS 🏆

Poule

✅ France 🇫🇷 bat Japon 🇯🇵 : 4-0

✅ France 🇫🇷 bat Inde 🇮🇳 : 2-2, 9 jeux à 7

✅ France 🇫🇷 bat Suisse 🇨🇭 : 4-0

Demi-finale

✅ France 🇫🇷 bat République Tchèque 🇨🇿 : 2-1

Résultats : individuels - par équipes

Photos : FISU

Les Bleus ont vécu une semaine pleine d'émotions en Afrique du Sud (📷 FISU)