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LE CHAMPIONNAT D'EUROPE PAR ÉQUIPE VU PAR LES COACHES

Équipe de france 01/05/2023

Même si le résultat brut a été le même qu'en 2022 (médaille d'argent pour les garçons, quatrième place pour les filles) et qu'elles visaient plus haut, on peut objectivement affirmer que les équipes de France ont fait belle figure au championnat d'Europe la semaine dernière en Finlande.

Entre deux avions (ils ont décollé ce matin pour Chicago, où le championnat du monde individuel démarre mercredi), leurs entraîneurs Renan Lavigne et Philippe Signoret ont livré leurs impressions.

Propos recueillis par Jérôme Elhaïk

PAROLES DE COACHES

Philippe, Renan, quel est votre sentiment sur le résultat de votre équipe, vingt-quatre heures après l'épilogue du championnat d'Europe ?

Philippe Signoret : Je vais rester fidèle à ce qu'on s'est dit entre nous lors du débrief. Sur le papier, on était la quatrième nation dans la hiérarchie de ce championnat. On n'a pas réussi à battre les équipes plus fortes que nous, et en terminant quatrième on est à notre place. Cela étant dit, on est déçues car ça aurait pu tourner en notre faveur, que ce soit en demi-finale contre la Belgique ou dans la rencontre pour le bronze face au Pays de Galles.

Renan Lavigne : En ce qui me concerne, ça fait moins de vingt-quatre heures car la finale, qui a duré plus de 6 heures au total, s'est terminé aux alentours de 21 heures samedi ... Le sentiment qui prédomine est bien entendu la déception car on a été proches de l'emporter. Notre objectif, monter sur la plus haute marche du podium, n'a pas été atteint. Même s'il y a des regrets au vu du scénario, je n'ai aucun reproche à faire aux joueurs : ils ont tous été énormes toute la semaine et ont tout donné dans une finale qui a été d'un très haut niveau. Ça a été un gros combat contre cette équipe d'Angleterre qui a été au rendez-vous, mais on n'attendait pas autre chose de leur part !

« On n'a pas réussi à battre les équipes qui nous étaient supérieures sur le papier » Philippe Signoret

Philippe, dans les deux rencontres dont tu parlais précédemment, on savait que la France était inférieure en n°2 et supérieure en n°3, et que par conséquent Mélissa Alves avait un rôle très important. Est-ce que tu penses que ça lui a mis un peu de pression ?

P.S.: Non, je ne pense pas. J'évoquerais plutôt un aspect technique, on pensait que ce court conviendrait à sa puissance, ça n'a pas été le cas et elle a eu du mal à trouver ses longueurs. J'ai trouvé néanmoins que Mélissa avait fait une bonne prestation contre Nele Gilis, un peu moins face à Tesni Evans – peut-être en raison d'un peu de fatigue due à l'enchaînement des matches. Elle est capable de battre des joueuses de ce niveau, elle l'a déjà prouvé par le passé, mais ça n'a pas été le cas pendant cette compétition. Il faut aussi dire qu'elle est tombée sur une Nele Gilis toujours aussi forte physiquement et qui a ajouté de nouveaux éléments à son jeu. Avec sa victoire contre Georgina Kennedy en finale, la Belge a été la meilleure joueuse de ce championnat. Comme je l'ai déjà dit auparavant, ce n'est pas facile d'être numéro 1 et il ne faut pas comparer Mélissa à Camille Serme, qui était top 5 mondiale quand elle tenait ce rôle. C'était entre guillemets normal qu'elle gagne ses matches, alors que Mélissa se retrouve face à des filles mieux classées qu'elle dans les grosses rencontres.

Victor Crouin v Mohamed ElShorbagy

Le match entre Victor Crouin (en bleu) et Mohamed ElShorbagy a été le point d'orgue d'une grande finale masculine entre la France et l'Angleterre ... (Crédit photo : Jonas Tana) 

Renan, revenons sur le déroulement de la finale hommes face à l'Angleterre.

R.L.: Concernant le premier match, c'est dommage car je pense que Greg était mieux physiquement que Patrick Rooney en fin de quatrième jeu mais il a commis de petites erreurs préjudiciables, notamment à 9-8. Que dire sur celui entre Victor et Mohamed ElShorbagy ? Comme m'a confié l'un des remplaçants anglais Charlie Lee après le match, il n'y a qu'un seul joueur au monde qui aurait pu retourner une telle situation et il s'agit de Mohamed. Je pense que comme Rooney, il était proche de craquer et quand il était largement mené dans les quatrième et cinquième jeux, il n'arrêtait pas de se parler à lui-même sur le court en disant "find a way, find a way". Même si Victor a réalisé une très grande prestation, l'expérience de son adversaire lui a permis de gérer un tout petit mieux les moments clés. Pour ce qui est d'Auguste, il avait une petite blessure à l'ischio-jambier avant la compétition, mais il a respecté à la lettre le protocole qu'on avait mis au point et après avoir été mis au repos le premier jour il était prêt. Il a montré beaucoup d'implication et de sérieux dans ses matches avant la finale. Contre Nick Wall, ça a été un vrai combat, avec pas mal de contacts et de décisions. Ça avait déjà été le cas entre eux au British Open, heureusement pour nous le résultat s'est inversé cette fois-ci.

« Ça a été une finale de très haut niveau, contre des Anglais qui comme d'habitude ont été au rendez-vous » Renan Lavigne

Philippe, on a parlé de ta numéro 1 Mélissa Alves auparavant, peux-tu nous dire un mot sur les autres joueuses ?

P.S.: Énora Villard a bien tenu son rang en début de compétition, ensuite elle n'a rien pu faire face à des joueuses qui étaient objectivement trop fortes pour elle (NDLR : Georgina Kennedy, Tinne Gilis et Emily Whitlock). L'ordre n'a pas avantagé Marie Stéphan, qui n'a pas joué vendredi et samedi car la rencontre était scellée après deux matches. Si elle veut avoir la possibilité d'être numéro 2, c'est à elle de s'affirmer et de monter au classement mondial. Quant à Lauren Baltayan, elle s'est très bien intégrée au groupe. C'est une jeune fille très drôle, et qui a des réflexions intéressantes. Qu'elle batte Riina Koskinen lors de la rencontre d'ouverture était certes logique, mais quand on a vu les performances de la Finlandaise par la suite on s'est dit que c'était une bonne victoire. Ensuite, elle s'est inclinée logiquement contre l'Anglaise Lucy Beecroft. Non sans lui causer quelques frayeurs en début de deuxième jeu, néanmoins comme l'a dit Lauren elle-même elle doit s'améliorer en matière de constance.

Est-ce que tu as envisagé de la faire jouer lors des deux dernières rencontres ?

P.S.: Oui, ça a été abordé dans les discussions que j'ai eues avec ma capitaine Mélissa Alves. On a estimé que Marie offrait plus de garanties en numéro 3, surtout face au Pays de Galles car le style de Lowri Roberts (qui a récemment gagné un PSA au Havre) aurait posé des problèmes à Lauren et ça n'aurait pas été un cadeau pour aller d'avoir à disputer un match décisif contre elle.

Philippe Signoret est très satisfait de l'intégration de la jeune Lauren Baltayan dans le groupe France (Crédit photo : Ligue de Normandie) 

Renan, après la victoire d'Auguste, la France est donc menée 2 matches à 1 en finale. On sait que le format à quatre joueurs est particulier, et Baptiste Masotti est donc rentré sur le court avec l'obligation de gagner 3-0 ou 3-1 contre Adrian Waller.

R.L.: En 2018, c'était un peu la situation inverse puisque Baptiste nous avait donné le titre en gagnant un jeu face à Declan James. Évidemment, même si on essaie de se concentrer sur le match c'est compliqué à gérer sur le plan mental. Après le troisième jeu, il a demandé à ne pas être informé de ce qui se passait (NDLR :le Niortais devait gagner le quatrième avec un écart d'au minimum 5 points), et même si on s'est efforcés de ne rien montrer, il a évidemment compris que nous avions perdus en voyant la réaction des deux camps. Il faut souligner qu'il est tombé sur un Adrian Waller toujours performant en sélection, et qui selon moi a joué à un niveau nettement supérieur à ce qu'il avait montré en PSA dernièrement. Il y a eu quelques larmes dans les instants qui ont suivi et Baptiste s'en voulait personnellement, mais comme ses coéquipiers il a tout donné et n'a rien à se reprocher. Il a parfaitement tenu son rôle de capitaine, et d'ailleurs tous les joueurs ont été incroyables d'implication, que ce soit lors des briefings, débriefings etc. Même s'il était déçu de ne pas jouer en finale - il a respecté mon choix, qui a été difficile, même s'il ne l'a pas compris - Sébastien Bonmalais a joué un rôle important lors de la finale, en encourageant constamment ses camarades et en étant à mes côtés au coaching entre les jeux.

« Tous les joueurs ont été incroyables en termes d'implication » Renan Lavigne

Avant cela, le début de tournoi n'avait pas été simple pour ton équipe, avec une victoire accrochée contre l'Espagne et un nul contre la Suisse le premier jour.

R.L.: Jouer à deux endroits différents avec peu de temps entre les deux rencontres n'était pas facile à gérer. La cohésion de groupe batie lors du stage la semaine précédente nous a servis pour nous en sortir à ce moment là, ainsi que pour revenir en finale alors qu'on était menés 2-0. Quand je parle de groupe, j'inclus également Lucas Serme, qui était remplaçant et nous a envoyés des messages d'encouragements tout au long de la semaine.

Le camp tricolore

Tout au long d'une finale masculine qui aura duré 6 heures, Renan Lavigne (au deuxième rang à gauche) et le camp tricolore n'ont cessé d'encourager le joueur qui se trouvait sur le court (Crédit photo : Jonas Tana) 

Philippe, est-ce que je me trompe si je dis que ce groupe de quatre joueuses relativement jeune (Lauren Baltayan fêtera ses 16 ans cette semaine, alors que ses trois coéquipières ont entre 27 et 29 ans) a de bonnes chances de constituer l'avenir à court terme de l'équipe de France féminine ?

P.S.: Oui, d'autant plus qu'on peut penser que Lauren va continuer à progresser. D'un autre côté, ce n'est que la vérité du moment : la prochaine compétition est dans un an, et j'espère que les autres joueuses vont tout faire pour montrer qu'elles peuvent bousculer cette hiérarchie.

Je suppose que votre objectif sera de remonter sur le podium au championnat d'Europe 2024 ?

P.S.: Oui, même si c'est difficile de se projeter aussi loin. Je pense que les quatre nations qui étaient en demi-finale ont une certaine marge sur les autres, même si on a vu que l'Allemagne avait une jeune joueuse prometteuse dans ses rangs (Maya Weishar) et que l'Espagne montait également en puissance.

L'équipe de France féminine 2023

Avec la jeune Lauren Baltayan (qui fête ses 16 ans cette semaine) et trois joueuses âgées de 27 à 29 ans, l'équipe de France féminine a de beaux jours devant elle (Crédit photo : Retteri Lepo) 

Renan, en ce qui concerne les garçons le championnat du monde par équipe aura lieu en décembre, c'est une échéance qui même si elle semble lointaine va arriver rapidement ...

R.L.: En effet, cependant avant cela les joueurs doivent se concentrer sur leur progression et leur carrière individuelle, surtout quand on sait que le seeding dépend du classement PSA. Lors de la dernière édition en 2019, il y avait 6 nations européennes dans le top 8, on peut donc considérer qu'on a eu un avant-goût de championnat du monde cette semaine. J'en profite pour féliciter les Suisses de leur troisième place (NDLR : une première dans l'histoire du squash Helvétique), ils le méritent. Ils ont non seulement deux membres du top 30 mondial avec Nicolas Mueller et Dimitri Steinmann, mais aussi le médaillé de bronze au dernier championnat d'Europe junior, et ils seront d'autant plus dangereux dans un format à 3 joueurs.

« Rien de tel que le championnat du monde individuel pour rebondir » Philippe Signoret

Pour les joueurs et joueuses tricolores, la prochaine échéance arrive très vite avec le championnat du monde individuel qui démarre mercredi à Chicago ...

P.S.: En effet, et au moment où on se parle les filles sont déjà dans l'avion ! Rien de tel que de se replonger dans sa carrière individuelle pour rebondir après cette déception. Surtout pour Mélissa, qui pourrait retrouver Nele Gilis au deuxième tour ...

R.L.: Je ne pense pas que les joueurs auront du mal à enchaîner, la compétition ne commence que mercredi et même jeudi pour certains. Au contraire, et comme je leur ai dit, ils devront se servir de l'émulation qui existait entre eux en Finlande lors de ce championnat du monde, qui est évidemment une échéance très importante.

Retrouvez toutes les photos du championnat d'Europe par équipe 2023 sur ces deux liens :

📷 Jonas Tana - Retteri Lepo

Rendez-vous demain sur notre site pour la présentation du championnat du monde individuel, qui démarre mercredi à Chicago et auquel participeront pas moins de 10 joueurs et joueuses français !

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