Actus
CHAMPIONNAT DE FRANCE ÉLITE : UN HABITUÉ, ET UNE INVITÉE SURPRISE ...
Événements 07/02/2022Le championnat de France Élite s'est achevé samedi après-midi au SquashBad33 à Bordeaux, avec la victoire de Marie Stéphan et Grégoire Marche.
Si ce dernier a confirmé son statut de leader national pour décrocher un quatrième titre, la Guyanaise n'a pas laissé passer sa chance dans un tableau féminin amputé de plusieurs joueuses, inscrivant son nom au palmarès pour la première fois. Que faut-il retenir de cette édition 2021-2022 ? Les réponses ci-dessous.
Article de Jérôme Elhaïk
Crédits photo FFSquash
Revivez le championnat de France Élite 2021-2022 en images sur notre page Facebook : 1/8ème - quarts - demis - finales
MARIE STÉPHAN A SAISI SA CHANCE
« Même si on savait qu'il y avait des absentes de marque, je ne m'attendais pas à me retrouver là, » déclarait une Marie Stéphan encore sous le coup de l'émotion, quelques secondes après avoir remporté le championnat de France Élite face à Énora Villard, samedi après-midi à Bordeaux. Elle ne pourra pas retenir ses larmes en évoquant son père, disparu il y a un an et demi : la dernière fois qu'il l'avait vue jouer, c'était en quart de finale de ce même tournoi, dans le même club et face à la même adversaire. Retour à l'édition de cette année : aux forfaits de Camille Serme (n°1 française, douze fois championne de France) et Coline Aumard (n°3) était venu s'ajouter l'abandon en demi-finale de Mélissa Alves (n°2), alors qu'elle était à trois points de la victoire face à Marie Stéphan (n°5). L'opportunité était donc unique pour cette dernière, ainsi que sa partenaire d'entraînement à Créteil et adversaire Énora Villard (n°4), de décrocher un premier titre. Plus précise et très inspirée sur ses amorties revers, Villard domine le début de partie et remporte logiquement le premier jeu. Elle mène même 10-6 dans le deuxième, mais le match va totalement basculer. « À ce moment là, j'ai bétonné au fond (sic), je voulais juste tenir la balle dans le court en espérant qu'elle fasse la faute en premier, » analysait Stéphan. « C'est ce qui s'est produit, peut-être qu'il y a eu un peu de stress chez elle. Si elle avait mené 2-0, le match aurait été complètement différent. De mon côté, le fait de revenir à 1-1 m'a permis de me libérer un peu et j'ai recommencé à attaquer. Dans le quatrième jeu, j'ai eu de la réussite alors qu'elle n'était plus trop dedans, et du coup ça s'est terminé assez vite. »
« À 1-0 et 10-6 contre moi dans le deuxième jeu, j'ai simplement essayé de tenir la balle dans le court ... »
Marie Stéphan peut laisser éclater sa joie : alors qu'elle n'avait jamais dépassé les quarts de finale en six participations, la Guyanaise est devenue championne de France samedi à Bordeaux
Après une ultime amortie de revers, la 53ème joueuse mondiale peut laisser éclater sa joie : alors qu'elle n'avait jamais dépassé le stade des quarts en six participations, elle devient championne de France pour la première fois, à 25 ans. « Ce titre, je le dois en grande partie à mon entraîneur Philippe Signoret, » dira-t-elle lors de la remise des prix. « Je sais que je ne suis pas facile tous les jours (rires), mais il s'investit énormément. On fait du bon travail ensemble et j'espère que ça va continuer. Je remercie également mon préparateur physique Mathias Ricard et mon coach mental Jonathan Bel Legroux, qui m'a beaucoup aidé dernièrement. J'ai également une pensée pour Camille, Coline et Mélissa. Ce n'est pas facile de voir ses amies se blesser les unes après les autres, et j'espère qu'elle vont vite revenir. » Certaines sont d'ores et déjà forfait pour le championnat d'Europe (27-30 avril à Eindhoven, voir plus loin), et Marie Stéphan connaîtra normalement sa première sélection aux Pays-Bas - après être montée plusieurs fois sur le podium continental en junior. En attendant, elle ne va pas savourer son titre bien longtemps et retourner rapidement à l'entraînement, afin de préparer les prochaines échéances. « J'ai un 20 000 $ au Canada début mars, et je suis dans les starting-blocks en cas de forfait à Chicago (NDLR : le Windy City Open, tournoi Platinum, y a lieu du 23 février au 2 mars), sachant que je suis numéro 4 sur la liste d'attente, » indique-t-elle. Avec en ligne de mire, une entrée dans le top 50 mondial ...
➡️ LA SURPRISE ANA MUNOS. Elle a certes bénéficié de circonstances favorables (les absences, un tableau abordable et le forfait de Mélissa Alves dans le match pour la troisième place), cependant Ana Munos (n°13 française) n'a pas volé sa médaille de bronze : en quart de finale, elle est revenue deux fois au score et a même sauvé une balle de match, avant d'arracher la victoire face à Léa Barbeau (n°7). « Ça fait plaisir de voir les petites jeunes jouer à ce niveau et avoir faim contre les anciennes, » déclarait Énora Villard, certes facile vainqueur de Munos en demi, mais qui avait été sérieusement bousculée par Ninon Lemarchand – autre joueuse du pôle espoirs d'Aix-en-Provence – en quart. Cette montée en puissance de la nouvelle génération constitue une petite consolation pour Philippe Signoret, avec l'hécatombe qui touche les filles de l'équipe de France.
Vainqueur surprise de Léa Barbeau en quart de finale, la jeune Ana Munos (au premier plan) est montée sur la troisième marche du podium
➡️ LE CASSE-TÊTE DE PHILIPPE SIGNORET. Opérée du tendon d'Achille la semaine dernière, Camille Serme est évidemment forfait pour le championnat d'Europe fin avril. Touchée au genou, Coline Aumard devrait normalement être de la partie, alors qu'une grosse incertitude pèse quant à la présence de Mélissa Alves, suite à la récidive de sa blessure à l'aponévrose en demi-finale vendredi. Autrement dit, c'est une équipe de France new look qui se rendra aux Pays-Bas, et il y aura peut-être des opportunités à saisir pour de jeunes joueuses : on peut citer Élise Romba, Léa Barbeau, Kara Lincou, Ana Munos, Ninon Lemarchand et Ella Galova, de nationalité Slovaque mais désormais autorisée à revêtir le maillot Bleu.
➡️ DES PREMIÈRES À GOGO. Les nombreuses absences ont rendu ce tableau féminin du championnat de France Élite 2021-2022 très particulier. Voici quelques exemples par les chiffres, en vrac : Ana Munos est la joueuse la moins bien classée à avoir jamais atteint les demi-finales. --- Pas étonnant, quand on sait que c'était la première fois dans l'histoire que les numéros 1, 2 et 3 françaises étaient absentes du dernier carré. --- De son côté, Marie Stéphan devient la première joueuse à avoir été championne de France dans les cinq catégories de jeunes (de -11 à -19 ans) puis en senior. --- Autre stat insolite : il y avait trois Guyanaises en demi-finale vendredi dernier au SquashBad33 (Marie Stéphan, Mélissa Alves, Ana Munos) ! Une belle récompense du travail de formation effectué à Kourou par Christophe Carrouget, ce dernier étant désormais responsable du centre d'entraînement régional des Volcans à Clermont-Ferrand.
GRÉGOIRE MARCHE TRACE SON SILLON
Depuis trois décennies, l'histoire du squash masculin Tricolore est composée de dynasties : il y a eu Julien Bonétat, Thierry Lincou, et bien sûr Grégory Gaultier. Pas facile de passer après les deux derniers cités, anciens champions du monde et numéros 1 mondiaux, néanmoins Grégoire Marche est en train de se bâtir un joli palmarès. En tête du classement domestique depuis trois ans, le Drômois a remporté samedi un quatrième titre national, et le troisième en quatre éditions. « Je retiens avant tout le titre, la qualité n'était pas au rendez-vous aujourd'hui, » disait-il après son succès en quatre jeux face à Lucas Serme (n°4 français), licencié comme lui à Annecy. Il faut dire que la veille, Marche avait réalisé une véritable démonstration face à un Sébastien Bonmalais (n°6) pourtant en grande forme ces dernières semaines. « Après un très bon match, on est souvent déçu le lendemain car on ne retrouve pas les mêmes sensations au niveau de la raquette. Je me suis battu avec mes armes, c'est dommage d'être sorti de ma stratégie au deuxième jeu mais lui a bien joué le coup tactiquement. »
« C'est de bon augure en vue de mon prochain tournoi à Chicago »
Les trois médaillés (Lucas Serme, Grégoire Marche et Sébastien Bonmalais) sont repartis du championnat de France Élite avec le sourire
Déjà très convaincant contre Auguste Dussourd en demi, Serme a en effet réalisé une manche proche de la perfection - faite de variations de rythme et de choix offensifs très justes - alors que le numéro 12 mondial s'agaçait de certaines décisions de l'arbitre Joaquim Rissetto (l'un des hommes en noir présents en Gironde, aux côtés de Nicolas Barbeau et Bruno Jacob). Le problème, c'est que jouer à un tel niveau est coûteux en énergie. Après avoir démarré le jeu suivant sur la même lancée, le numéro 33 mondial a subi une grosse accélération de son adversaire, bien décidé à ne plus lâcher le moindre échange. Vainqueur de 21 des 26 derniers points du match, Grégoire Marche s'envolait vers le titre et concluait (comme Marie Stéphan auparavant) par une amortie gagnante en revers. « Même si je ne suis pas à 100 % dans ma préparation en vue de mon prochain tournoi à Chicago, ce fût une très bonne semaine, » estimait-il. Exempté de premier tour au Windy City Open, il retrouvera en 1/16ème de finale Marwan ElShorbagy, numéro 7 mondial. Une victoire lui permettrait de se rapprocher encore plus du top 10, son objectif avoué. Rendez-vous le 24 février ...
➡️ BONMALAIS, EN BRONZE. Les finales ont démarré avec une heure de retard samedi, car le match pour la médaille de bronze a duré 1h45 ! La faute à deux interruptions, une première de 30 minutes en raison d'une blessure à la cheville de Sébastien Bonmalais (n°6), puis une plus courte pour Auguste Dussourd (n°5, problème musculaire). Paradoxalement, c'est le joueur touché qui a le mieux redémarré à chaque fois. Mais après être bien revenu dans la troisième manche, Dussourd n'a pas été en mesure de prolonger son effort et le Réunionnais s'est offert une deuxième médaille, après l'argent en 2020. C'est face à ce même Bonmalais qu'Edwin Clain (n°9) avait réalisé une belle prestation en quart, ne passant pas loin d'emmener le favori dans un cinquième jeu. En terminant cinquième, le Francilien confirme ses belles dispositions du moment, alors que le jeune Macéo Lévy (n°17) a remporté le plateau des perdants du premier tour. D'autres joueurs encore moins âgés ont montré de belles choses, notamment Antonin Romieu (15 ans, n°35) et Melvil Scianimanico (16 ans, n°26), qui a causé pas mal de soucis à Clain au premier tour.
Bousculé par Edwin Clain (en blanc) en quart de finale, Sébastien Bonmalais montera ensuite sur la troisième marche du podium
➡️ L'EMBARRAS DU CHOIX. Situations diamétralement opposées pour Philippe Signoret, qui voit les Bleues se blesser les unes après les autres, et son homologue masculin Renan Lavigne. Avec 6 hommes dans le top 40 mondial (les quatre demi-finalistes du championnat de France Élite plus Baptiste Masotti, qui revient de blessure et Victor Crouin, qui termine son cursus à Harvard) sans oublier les « vétérans » Mathieu Castagnet (qui dispute sans doute sa dernière saison professionnelle) et Grégory Gaultier, retraité du circuit mais qui se verrait bien effectuer une dernière sortie en Bleu, l'entraîneur national aura l'embarras du choix au moment de composer sa sélection pour le championnat d'Europe ...
➡️ LE COIN DES STATS. Absent en 2020, Grégoire Marche reste sur une série de douze victoires de rang au championnat de France Élite. Il a néanmoins dû faire face à une belle résistance de Lucas Serme, auteur d'une deuxième manche d'une qualité exceptionnelle : depuis que Marche est devenu un membre inamovible du top 20 mondial début 2019, les seuls joueurs à lui avoir laissé deux points ou moins dans un jeu s'appellent Paul Coll, Ali Farag, Mohamed ElShorbagy et Mohamed Abouelghar, rien que ça ...
UNE RECETTE GAGNANTE
L'initiative d'organiser les championnat de France Élite et Interligues -15 ans dans le même club a permis aux jeunes de côtoyer de près les joueurs de haut niveau. Elle a été unanimement saluée par ces derniers, dont Grégoire Marche. « C'est une super idée, » s'enthousiasmait le désormais quadruple lauréat. « Ça me rappelle des souvenirs, quand j'avais 7 ou 8 ans, je passais mon temps sur le court et j'essayais d'imiter les meilleurs ! C'est ce genre de choses qui peut motiver les jeunes et contribuer à dynamiser les écoles de squash, on en a besoin après les deux années que l'on vient de traverser. » Concernant la compétition, l'Île-de-France a conservé son titre en battant la Réunion à l'issue d'une belle finale (voir notre compte-rendu). Eu égard à son succès, il y a fort à parier que cette formule soit reconduite en 2023 ...
À Bordeaux, les meilleurs jeunes Français ont pu côtoyer leurs aînés, à l'image d'Éthan Lecordier ici entouré d'Edwin Clain et Toufik Mekhalfi (Crédit photo : Éthan Lecordier)
LE RETOUR DU PUBLIC
Après une édition 2020-2021 à huis clos, pour les raisons que l'on sait, on retiendra une autre image positive de ce weekend Bordelais : la présence du public dans la tribune du SquashBad33, celle-ci étant même quasi-pleine pour les demi-finales et les finales. Dans les gradins, on retrouvait des personnes d'horizons très divers - des jeunes participant au championnat de France Interligues -15 ans, des passionnés de squash venant de toute la France, des joueurs du club, et même des pratiquants du badminton, venus (re)découvrir notre discipline entre deux sets.
Après une édition 2021 à huis clos, revoir les tribunes du SquashBad33 remplies a été une vraie bouffée d'oxygène
Merci à tous ceux (partenaires publics et privés, structure d'accueil, bénévoles, prestataires, membres de l'équipe fédérale, entraîneurs/staff, arbitres, spectateurs/téléspectateurs et évidemment les athlètes) qui ont contribué à la réussite de ce championnat de France Élite 2021-2022. À l'année prochaine pour une nouvelle édition !