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BAPTISTE MASOTTI : « UN PEU COMME UNE NOUVELLE CARRIÈRE QUI COMMENCE »

Événements 08/11/2019

Enfant du pays et tenant du titre, Baptiste Masotti sera la tête d'affiche du 5ème open international Niort Venise Verte, qui a lieu du 13 au 17 novembre au Squash du Marais.

Avant cela, le Français débute aujourd'hui sa campagne au championnat du monde (à 14h, contre Omar Mosaad), avec la ferme intention de confirmer au Qatar les performances exceptionnelles réalisées en Égypte il y a quelques jours. Entretien à cœur ouvert. 

Analyse des chances des sept Français engagés + toutes les infos pour suivre le championnat du monde dans notre présentation CHAMPIONNAT DU MONDE MASCULIN : SEPT BLEUS EN LICE ! 

Jérôme Elhaïk : Baptiste, avec quelques jours de recul est-ce que tu as pu digérer ton fabuleux parcours au Caire ? 

Baptiste Masotti : Pour être honnête, non je n'ai pas encore bien réalisé. Surtout que peu de temps après mon retour en France, j'ai appris que je participais au championnat du monde. Du coup, je me suis immédiatement tourné vers cet objectif (NDLR : cet entretien a été réalisé lundi).

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Après ses exploits au pied des pyramides, Baptiste Masotti est maintenant tourné vers l'avenir (Crédit photo : Nathan Clarke)

J.E. : Tu n'étais pas dans le tableau initialement, j'imagine que c'était une déception ? 

B.M. : C'est clair. J'ai perdu deux places au classement d'octobre et ça m'a coûté cher. Même s'il y a toujours 2 ou 3 forfaits dans les gros tournois et que j'avais de bonnes chances d'être repêché, on n'est jamais sûr de rien.

J.E. : Même si tu n'as perdu que contre des joueurs mieux classés, tu as connu un début de saison frustrant.

B.M. : Effectivement, il n'y avait rien de catastrophique mais je ne gagnais pas les matches. J'avais eu de bons résultats l'année dernière à la même époque (NLDR : il avait été demi-finaliste à Nantes, entre autres), et je me suis focalisé sur la course aux points. En plus, je me suis retrouvé en haut de la "reserve list" sur plusieurs tournois. Dans ces cas là, on est dans l'attente et ça peut être perturbant.

« En début de saison, je me suis focalisé sur la course aux points mais j'apprends de mes erreurs »

J.E. : Tu as notamment été repêché au dernier moment à Shanghaï, avec le recul tu penses que tu n'aurais pas dû y aller ?

B.M. : Bien sûr que non, car avec le voyage je suis arrivé à l'open de France complètement rincé. Mais d'un autre côté c'était mon premier tournoi 100 000 $ et c'était difficile de ne pas saisir cette occasion. Et surtout, j'apprends de mes erreurs : suite à un forfait j'aurais pu participer à l'US Open, mais je serais très arrivé très peu de temps avant mon premier tour. J'étais dans une spirale un peu négative, donc je me suis dit que si les conditions n'étaient pas optimales c'était mieux de ne pas y aller, et je pense que c'était la bonne décision.

J.E. : Revenons sur ton parcours exceptionnel au CIB Egyptian Open : il faudrait fouiller dans les archives pour en être certain, mais tu es sans doute le premier joueur à atteindre les quarts de finale pour sa première participation à un tournoi majeur.

B.M. :J'avais envie d'être performant mais je ne pensais évidemment pas aller jusqu'en quart de finale ! Comme l'a dit Renan (NDLR : Lavigne, entraîneur national, et qui est aussi celui du pôle France d'Aix-en-Provence où Baptiste est basé), c'est moi qui ai créé les opportunités. Miguel Angel Rodriguez n'était peut-être pas à 100 %, mais j'ai su faire le match qu'il fallait pour le battre en 1/16è de finale.

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En battant Miguel Angel Rodriguez en 1/16è de finale au Caire, Baptiste avait montré la voie à Victor Crouin (Crédit photo : Steve Cubbins)

J.E. : Comment as-tu vécu les heures qui ont suivi cette victoire, ta première sur un top 10 mondial ?

B.M. : Plein de choses étaient nouvelles pour moi, notamment le fait d'avoir un jour de repos alors que j'étais encore dans le tournoi ... Les Platinum, pendant les premiers tours c'est un peu la kermesse (sic) avec tous les joueurs et joueuses qui sont là. Plus la compétition avance, plus ça se vide, et on se retrouve très peu nombreux au petit-déjeuner. Je n'étais pas habitué à ça ! Enfin, j'ai reçu énormément de messages de félicitations, y compris de gens que je ne connaissais pas. Ça fait évidemment très plaisir, mais je n'ai pas eu le temps de répondre à tout le monde car j'avais un match à préparer et je devais me reconcentrer.

J.E. : J'en profite pour faire une parenthèse. Les messages lus sur les réseaux sociaux montrent que tu as une belle côte de popularité, tu t'en rends compte ?

B.M. : C'est certainement grâce à mon jeu, car les gens aiment bien les joueurs qui attaquent.

« L'open de Niort sera mon dernier 12 000 $ »

J.E. : Tu fais également partie de ceux qui expriment leurs émotions sur le court.

B.M. : Je pense que le squash a besoin de ça. Si l'on prend l'exemple de Joel Makin (NDLR : le Gallois a mis fin à son parcours en quart de finale au CIB Egyptian Open), il ne montre rien sur le court et du coup les gens ne se rendent pas forcément compte à quel point il est fort ... En ce qui me concerne, j'ai parfois été dans l'extrême inverse dans le passé et ça m'a porté préjudice. C'est pour cette raison que je travaille sur l'aspect mental aux côtés de Yann Menegaux. Dans le sport de haut niveau, on peut facilement tomber dans une spirale négative mais c'est beaucoup plus difficile d'en sortir.

J.E. : Sauf en cas de parcours exceptionnel au championnat du monde, tu participeras à l'open international Niort Venise Verte (13-17 novembre), dont tu es tenant du titre.

B.M. : Normalement ce sera mon dernier 12 000 $, chez moi. Quand je me suis engagé, je ne savais pas que je participerais au championnat du monde et j'avais besoin de faire un tournoi pendant cette période ... On verra ce qui se passe au Qatar, mais je vais prendre les matches les uns après les autres et dans ma tête je serai à Niort (NDLR : il devra se retirer seulement s'il atteint les quarts de finale à Doha). J'y vais aussi pour mon père, qui fait de gros efforts pour mettre ce tournoi sur pied, et pour voir des gens que j'aime. Avec les points marqués en Égypte, je n'aurai aucune pression de ce côté. Il y a un tableau de qualité, avec de bons matches à jouer.

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L'open international Niort Venise Verte - organisé par son père, et dont il est tenant du titre - est un tournoi à part pour Baptiste Masotti (Crédit photo : Emmanuelle Boyer)

J.E. : Quoiqu'il se passe dans les prochains jours, ton classement du 1er décembre devrait te permettre d'intégrer les tableaux des tournois Platinum début 2020.

B.M. : Normalement, j'ai fait le job ! Je devrais être entre la 40ème et la 45ème place, en fonction des résultats des autres.

J.E. : C'est un rang qui te garantirait notamment de participer au mythique Tournament of Champions, dans la Grand Central Station de New York à la mi-janvier.

B.M. : En effet. Mon père a toujours dit qu'il viendrait avec moi si je faisais ce tournoi, il va bientôt pouvoir réserver ses billets !

« Les gros tournois et les courts vitrés, c'est pour ça que je joue au squash »

J.E. : Blague à part, c'est presque une nouvelle carrière qui commence pour toi.

B.M. : Complètement. Attention, je me suis régalé sur les 5 ou 10 000 $, mais les gros tournois, les courts vitrés, c'est pour ça que je joue au squash. Maintenant que j'y suis, je ne veux pas que ça s'arrête. Je savais que j'avais besoin d'un gros résultat, car c'est la seule solution pour monter au classement quand on est aux alentours de la 60ème place. Je me suis donné le droit de rentrer dans ces tournois majeurs au cours des prochains mois, ce qui veut dire que je vais avoir d'autres opportunités.

J.E. : Les observateurs savaient que tu avais du potentiel et que tu allais passer ce cap tôt ou tard, qu'en était-il de ton côté ?

B.M. : Disons que j'y étais préparé sans y être préparé. Enchaîner les résultats comme je l'ai fait en Égypte c'était un peu un rêve réveillé, même si j'ai bossé pour ça et que j'ai fait de gros matches, surtout mentalement.

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Après avoir goûté aux quarts de finale d'un tournoi majeur la semaine dernière face à Joel Makin, Baptiste Masotti n'a qu'une envie : y retourner (Crédit photo : Steve Cubbins)

J.E. : Comment as-tu abordé le quart de finale contre Joel Makin, ton premier sur le court vitré (NDLR : il avait gagné ses trois premiers tours sur les courts traditionnels du Shooting Club) ?

B.M. : Lors de la préparation, j'ai essayé de me dire que c'était simplement un match de squash : mais qu'on le veuille ou non, c'est un quart de finale pour mon premier Platinum, devant les pyramides contre le numéro 12 mondial ! Dans le premier jeu, j'ai clairement été rattrapé par l'évènement ... Ensuite, ça a été beaucoup mieux. 

J.E. : Dans les deuxième et troisième jeux, tu t'es totalement lâché et as enfilé un nombre impressionnant de coups gagnants. 

B.M. : J'ai joué comme je sais le faire. Sur certaines séquences j'ai vu qu'il n'était pas serein, il n'a pas l'habitude que l'échange se termine en 4-5 coups de raquette. Néanmoins, je pense que j'aurais dû gagner le deuxième plus rapidement (NDLR : remporté 14-12 alors que Baptiste menait 10-4), et en fin de troisième je dois faire mieux. Le perdre m'a fait mal, et dans le quatrième j'ai lâché mentalement.

« Je suis un joueur d'insinct, je choisis toujours le coup qui me semble juste sur le moment »

J.E. : Renan me disait que tu avais une faculté à descendre la balle que l'on voit chez peu de joueurs, et qui lui rappelle un peu John White (NDLR : ancien n°1 mondial connu pour ses frappes aussi surpuissantes que déroutantes). Est-ce quelque chose que tu as travaillé ?

B.M. : C'est vrai qu'on n'est pas nombreux à attaquer comme je le fais sur le circuit. Après mon match contre Marwan El Shorbagy à Wimbledon il y a quelques mois, il m'avait envoyé un message pour me complimenter sur mes frappes courtes, en me disant qu'on allait se recroiser souvent sur les tournois à l'avenir ... Ce n'est pas quelque chose que je travaille particulièrement : je suis un joueur sanguin, qui fonctionne à l'instinct. Je fais toujours le coup qui me semble juste à l'instant T, même si parfois il peut m'arriver d'oublier la tactique (rires). Mais justement, je crois qu'en Égypte j'ai surpris mes adversaires car j'ai été solide sur les fondamentaux.

J.E. : Notamment dans le 5ème jeu contre le Malaisien Eain Yow Ng en 1/8è de finale. Tu étais mené 4-1, et ensuite tu n'as plus rien donné ...

B.M. : C'est un petit gabarit, pas très puissant. Il était fatigué à la fin, mon jeu lui a fait mal. De mon côté, c'est un match que j'ai abordé assez stressé, à cause de l'enjeu. Si je n'avais pas réussi à confirmer ma victoire contre un top 10, contre un joueur que j'avais déjà battu, j'aurais eu le sentiment que mon tournoi était gâché. Alors qu'après ma défaite contre Makin, j'étais bien évidemment déçu mais également satisfait d'avoir atteint les quarts de finale.

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Au-delà de ses qualités d'attaquant, Baptiste Masotti a fait preuve d'une grande solidité mentale au CIB Egyptian Open, notamment en 1/8è de finale face au Malaisien Ng (Crédit photo : Steve Cubbins)

J.E. : Tu as dû avoir un petit contrecoup à ton retour en France ?

B.M. : Tout à fait, aussi bien physiquement que mentalement. Je n'ai pas entendu mon réveil aujourd'hui (lundi), ce qui ne m'arrive tout simplement jamais. Mais ça m'a fait du bien de passer quelques jours avec ma copine, j'en avais besoin. J'en profite pour la remercier de son soutien, ce n'est pas facile pour elle car je suis souvent en déplacement. Je n'oublie pas mon staff et ma famille, qui est derrière moi en permanence. 

J.E. : Tu débutes le championnat du monde vendredi (aujourd'hui), face au n°15 mondial Omar Mosaad.

B.M. : On s'est joués il y a quelques semaines sur une rencontre Interclubs en Allemagne, et j'avais perdu en 5 jeux. Je vais jouer ma carte à fond, même si je suis conscient que c'est un très bon joueur, avec une frappe très puissante. Mais c'est un meilleur tirage que Victor et Auguste par exemple (NDLR : les deux jeunes Français Victor Crouin et Auguste Dussourd sont opposés à Mohamed El Shorbagy et Karim Abdel Gawad, respectivement n°2 et 4 mondiaux). Si l'on excepte peut-être les joueurs du top 5, tout est possible sur le circuit à l'heure actuelle, quel que soit l'adversaire.

« Entre joueurs et joueuses Français, on se tire vers le haut »

J.E. : Tes performances en Égypte t'ont également permis de te positionner en vue de la sélection pour le championnat du monde par équipe (15-21 décembre à Washington) ...

B.M. : L'équipe de France, c'est elle qui m'a apporté mes plus belles joies mais aussi mes plus grandes déceptions ... Je le dis en toute honnêteté : si j'en fais partie je serai sur la lune (sic), mais dans le cas contraire je respecterai les choix de Renan et je ne serai pas déçu. Bien sûr que Victor et moi on a marqué des points avec nos performances au Caire, mais je préfère me concentrer sur les choses qui dépendent de moi. Et si ce n'est pas pour cette fois, ce sera la prochaine. Je pense qu'avec les autres jeunes on est amenés à former l'équipe de France du futur.

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En 2018, Baptiste avait donné le titre de champions d'Europe aux Bleus face à l'Angleterre (Crédit photo : squashPage.net) 

J.E. : Ce n'est pas nouveau, mais on a encore constaté pendant le CIB Egyptian Open que les joueurs Français s'encourageaient énormément entre eux.

B.M. : Il y a une saine émulation entre nous. Quand il est sorti du court après sa victoire contre Zahed Salem, Victor m'a dit que le fait que j'ai battu Rodriguez juste avant lui avait donné un énorme coup de boost ! Le kiné, Florent Ehrstein, nous l'a répété toute la semaine, l'esprit d'équipe est encore plus fort grâce aux victoires des uns et des autres. Que ce soit les gars ou les filles, on s'est tous tirés vers le haut, même si pour Camille (Serme) ça ne s'est malheureusement pas passé comme elle l'aurait souhaité.

J.E. : Étant donné la progression des joueurs et joueuses Français, on devrait normalement vous voir de plus en plus nombreux sur les gros tournois.

B.M. : Et c'est tant mieux ! Il ne faut pas de jalousie mal placée, car on ne joue pas les uns contre les autres. Ça m'est arrivé de croire qu'on était en concurrence quand j'étais plus jeune, mais avec la maturité j'ai compris que je faisais fausse route. Si on est 5 dans le top 30 mondial, je m'en fous d'être n°5 français ! On le voit bien lorsque deux Égyptiens se rencontrent, ce qui arrive souvent dans les gros tournois : ils ne se focalisent pas du tout sur le fait d'affronter un joueur du même pays, ils veulent juste gagner les matches.

Rendez-vous mardi prochain pour la deuxième partie de notre présentation du 5ème open international Niort Venise Verte, avec un focus sur l'évènement en compagnie des organisateurs.

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