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VICTOR CROUIN : « J'ADORE PLUS QUE TOUT JOUER POUR L'ÉQUIPE DE FRANCE » (2ème PARTIE)
Événements 01/06/2018Dans quelques semaines (le 16 juin), Victor Crouin aura 19 ans et refermera définitivement livre de sa carrière en junior. Une période qu'il a achevée par un deuxième titre de champion d'Europe individuel, dernière ligne d'un palmarès qui le place à un niveau que seuls Grégory Gaultier et Camille Serme ont atteint dans le squash Français.
Selon Victor, c'est pendant ces années en junior qu'un joueur « développe et exploite son potentiel. Les tournois jeunes m'ont permis d'apprendre à me connaître, à dépasser mes limites, et à rebondir après une défaite. Des anecdotes ? Je pourrais quasiment tout raconter tellement c'est ancré dans ma mémoire... » On l'a donc pris au mot et on lui a demandé d'ouvrir sa boîte à souvenirs. Après s'être concentré sur ses résultats lors de la première partie, on aborde d'autres sujets aujourd'hui : l'équipe de France, son départ aux États-Unis, les ingrédients de sa réussite, et le rôle (essentiel) de son père.
Article de Jérôme Elhaïk
(Click on the flag to read the article in English)
(Crédits photo : SiteSquash, OFJ 2012, Victor Crouin, Salming Squash)
Retrouvez la première partie VICTOR CROUIN : « LES TOURNOIS JEUNES SONT UNE ÉCOLE DE LA VIE » (1ère PARTIE)
CHAPITRE 5 - LES ÉQUIPES DE FRANCE JEUNES
Les débuts Le 22 avril 2011, Victor Crouin revêt pour la première fois la tunique de l'équipe de France, au tournoi des 5 Nations à Guilford (Angleterre) en -13 ans. « J'avais pris une belle rouste, » se rappelle-t-il. Après vérification, il avait perdu contre l'Anglais Charlie Lee, 11-9, 11-5, 11-6, soit un score bien moins sévère que ceux qu'il inflige parfois à ses adversaires. Preuve de sa mémoire assez hallucinante, il se souvient qu'une sélection Londonienne participait dans cette catégorie, « car l'Écosse n'avait pas de fille. Je vous avais prévenus que j'avais presque tout encore en tête (rires) ... » C'est d'ailleurs contre cette sélection que le jeune Crouin ouvre son compteur de victoire en bleu, contre Samuel Exelby. La première d'une (très) longue série. Pour Victor Crouin, les débuts en Bleu (aux côtés de Jules Cremoux, Lauriane Maingot, Lola Rodrigues et Rohan Mandil) s'étaient soldés par une médaille d'argent au tournoi des 5 Nations en 2011 (Crédit photo : SiteSquash) |
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Intouchable Angleterre Entre 2013 et 2016, le Toulonnais participe à quatre championnats d'Europe par équipe dans sa catégorie d'âge (deux en -15 ans et deux en -17 ans), avec à la clé deux médailles d'argent et deux de bronze. Si Victor a vaincu l'Angleterre avec les Bleus en senior il y a quelques semaines, il faut savoir que la France n'a jamais battu la perfide Albion en jeunes. Mais ils étaient passés plus près que jamais en 2014 (« n'oublions pas l'édition 2008, avec Camille Serme et Grégoire Marche qui avaient tous les deux remporté le titre en individuels, » précise-t-il). En finale, lui et Hugo Mandil perdent leurs deux matches en cinq jeux et marquent quasiment autant de points que leurs adversaires (97 contre 99). Malgré la médaille d'argent, le championnat d'Europe -15 ans en 2014 reste une déception, notamment à titre personnel, pour Victor (Crédit photo : Victor Crouin) « Je n'ai pas répondu présent en finale, en m'inclinant contre Curtis Malik (NDLR : alors qu'il menait 2-1). Je pense que c'est mon seul faux pas en équipe de France. Ne jamais avoir jamais gagné de titre européen par équipe, c'est quelque part logique vu la densité des Anglais qui étaient favoris à chaque fois. Mais effectivement, nous avions eu une chance cette année là, avec Hugo, Fanny Segers et Maëlle Fuhrer, et ça reste donc un regret d'un point de vue collectif. Sur le plan personnel, je pense avoir toujours fait ma part du travail, sauf sur cette finale après laquelle j'étais très déçu. »
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Meilleurs souvenirs Lorsqu'on lui demande quel est son meilleur souvenir en sélection, Victor mentionne le championnat d'Europe -19 ans en 2015, son premier alors qu'il n'avait que 15 ans. « On avait une formation très jeune, et il y avait des équipes redoutables. Je pense à l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, etc.. J'avais plutôt un rôle de remplaçant au départ, mais sans me vanter j'ai fini par m'imposer. D'ailleurs, les cinq membres de l'équipe avaient apporté leur pierre à l'édifice, ce qui avait rendu la médaille de bronze encore plus belle. » Crouin ne dispute qu'une seule des matches des quatre premières rencontres, mais est aligné en demi-finale contre les Anglais. Puis lors du match décisif de la petite finale, qu'il remporte en quatre jeux face au Gallois Elliott Morris Devred. À l'inverse, il classe les campagnes de 2015 et 2018 en -19 ans parmi ses meilleurs souvenirs (Crédits photo : Victor Crouin) Même s'il a moins de recul, le Toulonnais classe également l'édition 2018 dans les bons millésimes. Après avoir conservé son titre en individuels, il emmène les Bleuets en finale de l'épreuve par équipe, disputant et remportant tous les matches (avec notamment une démonstration contre Viktor Byrtus en demi-finale). « Cette médaille d'argent est une grande fierté. On se connaît depuis tellement longtemps, et à part pour Toufik, c'était notre dernier championnat. On restaient sur une contre-performance en 2017 (NDLR : 7ème, moins bon résultat depuis 2000 pour l'équipe de France -19 ans), et le podium était loin d'être acquis. Il y a eu énormément d'émotions le samedi, jour du quart et de la demi, on a même inventé un cri de guerre pour se rapprocher encore plus les uns des autres ! Mes coéquipiers savaient qu'ils pouvaient compter sur moi, et d'ailleurs j'ai joué les sept matches de la compétition : j'accorde beaucoup d'importance à la sélection, et jouer pour l'équipe de France est un exercice que j'adore plus que tout ! Dans un collectif, chacun a son tempérament mais il faut parfois le mettre de côté pour avancer ensemble. » "Dans un collectif, chacun a son tempérament mais il faut avancer ensemble."
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VICTOR CROUIN PAR ... MAËLLE FUHRER : « IL A TOUJOURS SU NOUS REMONTER LE MORAL ET NOUS REMOTIVER »
Victor Crouin et Maëlle Fuhrer ont disputé de nombreux compétitions internationales ensemble sous le maillot Tricolore (Crédit photo : Maëlle Fuhrer)
« Que dire sur Victor ? On s'est beaucoup côtoyés, notamment lors de toutes ces sélections en jeunes. Je n'aurais pas pu imaginer l'équipe sans lui ! Il a été notre machine (rires), on a toujours pu compter sur lui et j'ai beaucoup apprécié son esprit collectif : lors des deux derniers championnats d'Europe -19, il n'a pas perdu un seul match, mais a aussi toujours su nous remonter le moral et nous remotiver après nos défaites. On a partagé tellement de bons moments, mais je n'ai pas spécialement d'anecdotes précises en tête. Totor, on l'embête souvent avec son fessier musclé (rires), et on le surnomme également arrogant man, (je ne donnerai pas d'explication, si ce n'est qu'Enzo Corigliano est très fort pour trouver des surnoms). Il nous a procuré d'énormes émotions avec sa médaille d'argent au championnat du monde junior en Nouvelle-Zélande. Il va continuer sur sa lancée, je n'ai aucun doute là dessus. Je lui souhaite le meilleur pour son aventure aux États-Unis, et j'ai hâte de le voir remporter d'autres titres. »
mais aussi par Enzo Corigliano
« Une anecdote ? Peut-être sa façon très mesquine et innocente de bloquer en toute délicatesse (tu peux l'écrire, ça lui fera plaisir …). Plus sérieusement, je le vois atteindre le top 5 mondial, voire mieux. Il le mérite ! »
VICTOR CROUIN ... EN CHIFFRES
À partir d'avril 2015 et une défaite contre Patrick Rooney, Victor Crouin a aligné 35 victoires de suite en équipe de France, dont la dernière en finale du championnat d'Europe face à Tom Walsh (Crédits photo : Victor Crouin, European Squash Champs - U19 2018)
Entre le 22 avril 2011 et le 1er avril 2018, Victor Crouin a disputé 63 matches pour les différentes équipes de France jeunes (-13, -15, -17 et -19). Il n'en a perdu que 6 (dont cinq contre l'Angleterre) et a même terminé ce volet de sa carrière par une superbe série : 35 victoires de suite à partir d'avril 2015 et cette médaille de bronze acquise contre les Gallois. Sur le plan collectif, son bilan est le suivant : 11 médailles en 13 tournois (8 d'argent et 3 de bronze), sans oublier une cinquième place au championnat du monde 2016.
CHAPITRE 6 - C'EST DÉJÀ DEMAIN
La conquête de l'Ouest Depuis quelques années, les universités américaines sont devenues une destination prisée par les jeunes joueurs de squash du monde entier, notamment les Égyptiens. « Mais pour eux la démarche est principalement scolaire, » précise Crouin, « car même si le squash est très important là-bas, l'éducation l'est encore plus ! Il ne faut pas oublier l'option Anglaise, qu'ont choisie les frères El Shorbagy, et plus récemment Youssef Soliman. » De son côté, Victor va suivre les traces d'Ali Farag et Amanda Sobhy, et intégrer la prestigieuse université d'Harvard en septembre. Quand et comment ce projet a-t-il germé dans son esprit ? « Il y a quatre ans, Gilly Lane (NDLR : entraîneur à l'université de Pennsylvanie, où les Françaises Marie Stéphan et Mélissa Alvès ont effectué leurs études), m'a sollicité pour me recruter. J'étais trop jeune pour partir, mais il m'a expliqué le fonctionnement des universités américaines et a continué à me suivre : c'est sans doute ce soutien qui m'a incité à envisager un départ. J'ai passé une première fois l'examen d'entrée, sans succès, puis avec les révisions du bac et les tournois, j'ai du mettre tout ça entre parenthèses. Une fois le bac en poche, j'ai décidé de prendre une année sabbatique afin de repasser ces examens et d'effectuer les démarches administratives. Après le championnat du monde junior, plusieurs universités sont revenues à la charge, et en septembre, je me suis rendu aux États-Unis pour visiter celles de Penn et d'Harvard. Mon choix initial se portait plutôt sur Penn, principalement en raison de l'intérêt de Gilly, mais la découverte d'Harvard a changé la donne : non seulement c'est le top sur le plan scolaire et du squash, mais il y a également une ambiance plus internationale. C'est l'une des plus universités les plus réputées au monde, et je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité. » Autre avantage pour ce méditerranéen, Boston est tout proche de l'Océan Atlantique. Et si le Toulonnais a le mal du pays et envie de parler Français, il pourra aller discuter avec Thierry Lincou : le MIT, dont l'ancien numéro 1 mondial et champion du monde est l'entraîneur, est à moins de 2 kilomètres d'Harvard. Une université où Crouin bénéficiera des conseils de Mike Way, en poste depuis 2010. Très réputé dans le monde du squash – Ali Farag lui voue une admiration sans borne - le Canadien a notamment entraîné son compatriote Jonathon Power au sommet de sa carrière. « Un de mes joueurs préférés quand j'étais petit, » précise Crouin. « Lors des quelques discussions que nous avons eues, il m'a déjà donné des pistes de travail, et je suis sûr qu'il est très compétent. »
Pendant les quatre prochaines années, Victor va travailler avec Mike Way (à droite, aux côtés d'Amanda Sobhy et Ali Farag) (Crédit photo : mtbello.com) Pour Victor, un départ était inéluctable afin de mener de front son double projet, sportif et scolaire. « En France, c'est compliqué quand on pratique un sport non olympique de faire des hautes études tout en continuant à s'entraîner sérieusement : la plupart des grandes écoles sont à Paris, alors que dans le cas du squash le centre national est à Aix. En ce qui me concerne, j'ai toujours souhaité être joueur professionnel et je pense avoir les capacités pour atteindre le top 10 mondial, mais mon éducation m'a toujours poussé à accorder une grande importance à l'école. Les États-Unis me donnent la possibilité de combiner les deux, ce serait dommage de s'en priver. D'un autre côté, je m'étais dit que si je montais au classement pendant cette année sabbatique – et c'est ce qui s'est passé – j'allais peut-être abandonner ce projet et passer professionnel : pourquoi entre guillemets gaspiller quatre ans au lieu de continuer sur ma lancée ? Mais j'aime bien ne pas penser uniquement au squash. Quatre ans d'études, ce n'est pas finalement pas grand chose sur l'ensemble d'une carrière, qui peut durer vingt ans. L'objectif est de faire la même chose qu'Ali Farag, à ma manière. » En attendant, Crouin va découvrir « un univers complètement nouveau, l'ambiance lors des rencontres par équipe a l'air impressionnante. J'ai bien évidemment suivi les résultats dernièrement, et j'espère remporter le titre avec Harvard dès la saison prochaine ! » "En France, c'est compliqué de faire des hautes études quand on pratique un sport non olympique."
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Son avenir à court terme « Je serai à Boston à la fin du mois d'août, pour une semaine d'intégration. D'ici là, je compte bien disputer le maximum de tournois sur le circuit PSA, afin de monter le plus haut possible dans le classement avant de faire un break pendant mes premiers mois à l'université. Néanmoins, je pense que je ferai quelques tournois en décembre, en mars-avril et pendant l'été. On a le droit de jouer sur le circuit pro en tant qu'étudiant aux États-Unis, avec cette condition : si les gains sont supérieurs aux dépenses, on doit reverser la différence à l'université. » Quid de son avenir en équipe de France, alors qu'il vient de fêter sa première sélection ? « Victor fait totalement partie intégrante du projet, » nous disait Renan Lavigne après la victoire des Bleus au championnat d'Europe. L'entraîneur national indique avoir d'ores et déjà discuté du calendrier du vice-champion du monde junior avec Mike Way.
Victor (ici lors de la finale du championnat d'Europe il y a quelques semaines) représente l'avenir de l'équipe de France (Crédit photo : squashPage.net)
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Le rêve olympique En 2024, Victor aura 25 ans. L'âge idéal pour participer à des Jeux Olympiques ? « Le squash aux JO, c'est un rêve que nous devons tous faire ! Si ça arrivait à Paris, ce serait magnifique pour notre discipline en général, et le squash Français en particulier. Il y a quelques années, en 2013 si je me souviens bien, le CIO avait annoncé les sports entrants pour les JO de 2020 : j'avais suivi la cérémonie de près, certain que le squash allait en faire partie. Mais la lutte, qui avait été sortie quelques mois auparavant, nous avait été préférée, et ça a été pour moi une source de déception voire de résignation. J'avais même mis mes espoirs olympiques de côté, mais depuis j'ai mûri et ma vision a changé : je continuerai à militer pour que notre sport devienne olympique. J'ai d'ailleurs été sollicité pour faire partie du Olympic Bid - Youth Advisory Board, entité qui va être mise en place par la PSA. Je vais avoir l'occasion de participer à des événements sportifs d'envergure mondiale, et je tenterai de montrer que le squash, que ce soit ses instances ou ses athlètes, est aujourd'hui porteur de l'esprit olympique. Mais je suis conscient qu'il y a encore beaucoup de choses à améliorer, et c'est pourquoi j'ai décidé d'apporter ma contribution. »
Comme tous les athlètes présents au championnat de France Élite, Victor soutient la candidature du squash pour Paris 2024 (Crédit photo : Fédération Française de Squash)
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VICTOR CROUIN PAR ... RENAN LAVIGNE : « IL A CETTE CAPACITÉ À OPTIMISER LE DÉROULEMENT DE SES JOURNÉES »
Victor Crouin (à gauche), lors du dernier British Junior Open en compagnie de son père et de Renan Lavigne (Crédit photo : #BJOSquash)
« J’ai connu Victor à ses débuts en Ligue PACA. C'était une jeune prometteur, et déjà très déterminé. Je me souviens qu'à l'occasion d’un championnat de Ligue vétérans il y a 7 ou 8 ans, j'avais tapé la balle avec lui et je l'avais fait jouer, mais maintenant ce serait plutôt l'inverse ! Plus sérieusement, la chose qui m’a marqué lors de son arrivée au pôle espoirs et ensuite au pôle France, c'est sa capacité à optimiser le déroulement de ses journées, il n'y a pas une minute de perdue : juste après sa séance de squash, il file en salle de préparation physique, pour y faire son retour au calme et ses exercices prophylactiques de gainage et d’assouplissement. Sa carrière en jeunes est exemplaire, comme le prouve son palmarès en France et sa belle évolution au niveau international. Avec en point d’orgue sa finale au championnat du monde junior, même s'il n'y a pas eu le titre au bout. Son choix de partir à Harvard pendant quatre ans a été mûrement réfléchi. Je ne peux que l’applaudir, car Victor est également brillant dans ses études. Ce ne sera pas un obstacle à sa progression : il va découvrir une nouvelle culture et un discours différent. Nous continuerons à le suivre et à le soutenir par l'intermédiaire de la Fédération. J'ai d'ores et déjà échangé avec son futur entraîneur Mike Way, que je connais depuis longtemps, et nous serons en contact régulier au sujet de Victor. Il n'est pas encore parti et j’aurai l’occasion de lui dire de vive voix, mais je lui souhaite beaucoup de réussite dans son projet américain. »
CHAPITRE 7 - LES INGRÉDIENTS DE LA RÉUSSITE
Ne pas négliger l'école ... Comme on l'a déjà évoqué, Victor est non seulement brillant sur un court de squash mais aussi dans ses études. « Concilier les deux n'est pas toujours évident, je ne vais pas dire le contraire. Mais sauf lorsqu'on est malade, aller en cours est une obligation. Il faut faire des choix, et parfois mettre la vie sociale de côté pour libérer du temps pour l'activité sportive. Avec un peu d'organisation, beaucoup de motivation et de la rigueur, c'est possible. Mais il faut faire des sacrifices et ce n'est pas toujours facile. » |
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Apprendre à communiquer Un autre aspect auquel Victor et son entourage accordent beaucoup d'importance est la communication, avec un même un site Internet flambant neuf depuis quelques semaines. « Dans un premier temps, c'est mon père qui était ma plume et s'occupait de ma communication. Il m'a appris qu'elle était indispensable dans une discipline comme le squash, qui ne fait pas partie des sports majeurs. Ça n'a pas été facile pour plusieurs raisons, notamment le regard des autres jeunes et leurs remarques concernant mes publications. Quand on est très jeune, ce n'est pas facile de construire des liens amicaux solides, mais par la suite les gens savent faire la part des choses. Personnellement, j'ai pleinement assumé les conséquences, car je savais que cela véhiculerait une image et des valeurs positives. Si un jeune, ou même un adulte, s'intéresse à mon profil grâce à cette communication, c'est une satisfaction. Et si certains ont envie de jouer au squash après m'avoir vu jouer ou discuté avec moi, c'est encore mieux … » Victor a depuis longtemps compris l'importance de bien communiquer ... (Crédit photo : Var Azur TV)
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Prévenir les blessures Depuis près de dix ans, Victor écume les tournois des circuits jeunes et maintenant senior, tout en ne se blessant quasiment jamais. Tout sauf un hasard … « Ma première blessure, qui reste l'une des seules à ce jour, c'était en 2010 au premier tour de l'open de France junior. Je menais 2-0 et dans le troisième jeu, j’ai voulu aller chercher un lob, mon pied gauche s’est coincé à l'arrière du court. Résultat, une petite élongation à l'ischio-jambier gauche qui m’a écarté des courts pendant deux semaines. C’était un cauchemar de voir tous ces jeunes sur le court alors que je ne pouvais pas poser le pied par terre. Le fait que je sois rarement blessé, c'est le résultat du travail en amont et des fondations solides construites par mon papa coach (sic) quand j'étais plus jeune, notamment pendant la préparation physique estivale. Je pense que c'est l'une des principales raisons de ma réussite. Je n'ai jamais aimé les hôpitaux, et je n'y vais jamais si ce n'est pour les visites médicales. Lorsque j'ai une petite douleur, j'essaie de la régler par moi-même et je vais rarement chez le kiné. Il faut vraiment me pousser pour que j'aille voir mon ostéopathe préféré à Antibes, Virginie Fribourg (rires). Je ne peux pas concevoir de ne pas m'entraîner pendant plus de deux jours, donc c'est difficile d'imaginer quelle serait ma réaction en cas de grosse blessure. En tous les cas, je fais tout ce qu'il faut pour que ça n'arrive pas. D'un autre côté, le fait de faire des études peut m'ouvrir d'autres portes, et je saurais rebondir si malheureusement j'étais dans l'impossibilité de jouer au squash en raison d'une blessure. » ... mais aussi celle de bien récupérer après les entraînements et les matches (Crédit photo : Victor Crouin) "Le fait que je sois rarement blessé est le résultat du travail en amont réalisé avec mon père."
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« Concilier le squash et les études, véhiculer une bonne image via la communication, et prévenir les blessures : ce sont trois points fondamentaux que tout entraîneur devrait inculquer à ses joueurs. Ce sont des ingrédients essentiels de la réussite, même si évidemment il faut aussi être performant sur le court ! » Victor Crouin
CHAPITRE 8 - LA GLOIRE DE MON PÈRE
Côté pile : Victor Crouin La réussite de Victor est indissociable du rôle de son père Emmanuel, présent à ses côtés depuis ses premiers pas sur un court de tennis. « Une simple relation père/fils peut parfois être complexe, et même encore plus si l'on y ajoute un rôle d'entraîneur. Peu d'athlètes ont eu la chance d'avoir un parent ou un membre de leur famille comme entraîneur, et pourtant les exemples de réussite sont nombreux : James Willstrop, Nick Matthew, les sœurs Williams, Andy Murray, pour n'en citer que quelques uns. Si mon papa n'avait pas découvert le squash, je n'aurais peut-être jamais entendu parler de ce sport. Même s'il a tout fait pour ne pas influencer mon choix, j'ai arrêté le tennis alors que j'étais passionné – avant de retourner à l'école l'après-midi, je tapais la balle contre la porte du garage pendant plus d'une heure, je jouais en quelque sorte contre moi-même. Quand on est jeune, la chose la plus compliquée à assimiler est qu'à la maison l'entraîneur redevient le père, et que les discussions parfois animées qui peuvent parfois avoir lieu sur court ne doivent pas avoir d'impact sur la vie familiale.
Victor Crouin aux côtés de son père et ses camarades de l'équipe PACA, Alex Dubarry et Benjamin Aubert (Crédit photo : WSF World Juniors) Mon père s'est toujours énormément impliqué dans le squash, que ce soit avec l'école de jeunes du club ou au sein de la Ligue PACA. Concernant mon cas personnel, il a constamment cherché à se perfectionner dans des domaines comme la préparation mentale ou physique, dans le seul but de me faire progresser et de faire de moi un athlète complet : pour cela, il n'a pas hésité à demander de l'aide à des personnes parfois plus compétentes. Mais surtout, il a passé et passe encore un nombre incalculable d'heures avec moi sur le court, ce qui est inestimable ! Je suis impressionné par sa capacité à inventer de nouveaux exercices semaine après semaine. Il m'arrive de les trouver absurdes dans un premier temps, avant de me rendre compte de leur intérêt … Il a été un soutien indéfectible pendant toutes ces années, que ce soit à l'entraînement ou en compétition. Même si désormais il m'accompagne moins sur les tournois, le streaming et le téléphone nous permettent de rester en contact quand je me trouve aux quatre coins du monde. Et c'est bien d'être autonome de temps en temps … C'est grâce à lui que je suis le joueur que je suis aujourd'hui : je lui dois tous mes titres pendant ma carrière en junior, et je ne pense pas que je trouverai un jour un entraîneur qui pourra le remplacer. Néanmoins, j'en ai côtoyé d'autres, que ce soit pendant des rassemblements ou sur les tournois européens. Leurs méthodes étaient différentes de celles que m'avait inculquées mon père, mais j'ai toujours été à l'écoute et parfois j'y ai adhéré. Cette différence est très enrichissante, et j'ai hâte d'apprendre aux côtés de Mike Way, afin de progresser encore et toujours. Je suis certain qu'il va beaucoup m'apporter. "Je dois à mon père tous mes titres en junior." |
Côté face : Emmanuel Crouin Quel est le regard de son père sur le parcours de Victor, et aurait-il imaginé une telle réussite ? Emmanuel Crouin évoque le lien particulier entre lui et son fils. « Victor et sa sœur, Emma, sont de faux jumeaux nés grands prématurés. Emma était plutôt en bonne santé, en revanche Victor a été placé en soins intensifs. Avec mon épouse, nous avons veillé sur eux pendant deux mois à l’hôpital de la Timone de Marseille, avant de rejoindre le domicile familial. Mais la première semaine, je suis resté seul avec Victor car ma femme était à l’hôpital où elle avait accouché avec Emma. Je pense que ces premiers instants de vie compliqués ont engendré un lien qui va au-delà d'une simple relation père-fils. Le premier sport d'Emma et Victor a été le mini-tennis, et ce dernier a immédiatement montré des dispositions, avec une mise à distance naturelle par rapport à la balle. Il aimait tellement ça qu'en plus de ses entraînements on a commencé à jouer ensemble. Mais très vite il m'a rejoint du squash, dont je lui ai appris les bases et bien plus par la suite … Poussé par Michèle Lecomte qui voyait en Victor un champion en herbe, j'ai commencé à prendre son entraînement au sérieux, avec 2 à 3 séances par semaine. Encouragé par les résultats qui sont venus rapidement, j'y ai consacré de plus en plus de temps, en faisant appel à des personnes issus d'autres sports (football, tennis, ski) pour sa préparation physique et mentale. Dès le début, nous avons consigné sur un cahier le contenu de chaque entraînement, avant de passer à l'informatique. Sans véritable but précis pour commencer, si ce n'est lui faire travailler le français et se familiariser à l'informatique, puis l'anglais avec sa page Facebook. Mais cet exercice s'est avéré être un outil très précieux par la suite : lorsqu'il est parti au pôle espoirs, nous avons continué à communiquer par ce biais au quotidien. Je pouvais ainsi continuer à le suivre et lui proposer des choses différentes de ses contenus d’entraînement. C'est à ce moment que j'ai pensé que Victor avait de très bonnes chances de réussir dans le squash, mais comme la carrière d'un sportif est très courte et semées d'embûches, sa mère et moi avons toujours été stricts concernant les études. Pour répondre à la question, malgré ses prédispositions pour le sport en général et les sports de raquettes en particulier, je n'avais pas imaginé au départ qu'il ferait le parcours qui a été le sien jusqu'à aujourd'hui. »
Même s'll n'est plus son entraîneur à plein temps, Emmanuel Crouin est le personnage central dans la carrière de Victor (Crédits photo : Hibouweb, SiteSquash, Victor Crouin) Au-delà de ses résultats, Victor fait preuve d'un grand respect pour son sport et ses adversaires. Comment son père lui a-t-il inculqué ces valeurs ? « Le sport de compétition révèle souvent le véritable caractère d'une personne, et Victor a dès son plus jeune âge montré une horreur de la défaite et de l'injustice. Il a fallu lui faire comprendre que la défaite fait partie du sport : ça a été compliqué et il ne l'a pas encore totalement assimilé, heureusement qu'il ne perd pas souvent ! Il a fait beaucoup de progrès dans ses réactions suite à une décision arbitrale, mais si vous regardez bien ses matches, vous constaterez qu'il perd quasi systématiquement le point après avoir contesté une décision. Ces traits de caractère ont contribué à ce qu'il devienne toujours plus professionnel dans son entraînement, sa préparation et son implication lors des matches. Je lui ai toujours dit que pour respecter son adversaire, il fallait qu'il joue à son véritable niveau, et les 11-0 qu'il leur inflige parfois en sont la conséquence. Ce respect des autres et son professionnalisme, dont il a fait preuve dès son plus jeune âge, sont le résultat de chaque séance d'entraînement, où ces valeurs sont toujours présentes. L'accent peut être mis sur la précision, la vitesse ou la combativité, mais aussi sur l’attitude : je considère qu'elle est le reflet du subconscient d'un joueur, et dans un sport comme le nôtre – que l'on peut comparer à la boxe - il est important de percevoir le véritable visage de son adversaire, et de donner une bonne image de soi. » "Dès son plus jeune âge, Victor a montré une horreur de la défaite et de l'injustice."
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Ainsi s'achève notre rétrospective consacrée à la carrière en junior de Victor Crouin. Pour suivre son parcours au plus près :