Un peu frustré par ses résultats la saison dernière, le numéro 11 mondial espère revenir dans le top 8, tout en étant déjà projeté sur les JO de Los Angeles 2028.

Propos recueillis par Jérôme Elhaïk

Victor, félicitations pour ton deuxième titre consécutif de champion d’Europe. Il y a eu la victoire mais aussi la manière en Espagne, tu as semblé très à l’aise sur le court, je me trompe ?

Merci ! C’est toujours bien quand l’impression qu’on donne à l'extérieur correspond à ce qu’on ressent sur le court. Contrairement aux deux années précédentes, je n’avais pas écrit « être champion d’Europe » parmi mes objectifs avant le début de la saison, mais c’était sous-entendu … Ensuite c’est très plaisant de voir que les choses travaillées à l’entraînement portent leurs fruits dès le premier tournoi de la saison, d’autant que j’ai été capable d’effectuer des ajustements match après match. Enfin il y a eu pas mal d’aléas pendant la semaine, et je suis content de la manière dont je les ai gérés.

À quoi fais-tu allusion ?

Dans mon 1/8^ème de finale contre Ivan Perez, il y a eu une coupure de courant à 2-0 10-8 pour moi. Ça a duré une vingtaine de minutes, et comme j’ai conclu le match tout de suite on est revenu sur le court pour quelques secondes. D’un autre côté, je menais 10-5 avant l’incident donc c’est en partie de ma faute (rires), j’aurais pu finir avant. Un peu plus tard dans la journée, il y a eu les orages et les fuites d’eau sur le court vitré, qui ont occasionné beaucoup de retard. Pour mon quart de finale, je suis rentré sur le court pensant que c’était à mon tour, mais en fait Nicolas Mueller et Sébastien Bonmalais n’avaient pas encore joué donc j’ai dû patienter un peu plus … Sur un plan plus sportif, je suis également content d’avoir trouvé des solutions en demi contre Nico après avoir perdu le premier jeu.

« C'est très plaisant de constater que la préparation estivale porte déjà ses fruits. »

Concernant la finale, gagner 3-0 contre Dimitri Steinmann il n’y a pas beaucoup de joueurs qui l’ont fait dernièrement …

C’est vrai qu’il est en forme. Mais je l’ai trouvé tendu en début de match, il a fait pas mal de fautes et ses déplacements n’étaient pas aussi fluides que d’habitude. Il a haussé son niveau dans le troisième jeu, ça s’est resserré mais je suis resté fidèle à ma stratégie et ça a payé.

Les yeux fixés sur l'objectif, Victor Crouin a tenu son rang de tête de série n°1 au championnat d'Europe (Crédit photo : El Deporte Conquense & Mario Gomez)

Les championnats d’Europe ont battu des records de participation, c’est évidemment une bonne chose que cette compétition prenne de l’ampleur ?

Bien sûr, le tableau masculin était assez dense, à part les Britanniques tous les meilleurs étaient là. D’ailleurs, peut-être qu’il faudrait envisager de rallonger la compétition d'un jour, parce que là certains joueurs ont eu un gros 1/8^ème de finale et ont dû jouer leur quart dans la même journée. D’autre part, si on n’était pas limité à 3 joueurs par pays, on aurait avoir encore plus de Français.

Ce ne sera pas le cas lors de la prochaine édition : en effet, le pays hôte n'est pas soumis à cette règle et j’ai appris lors de ton discours à la remise des prix qu’elle aurait lieu en France, plus précisément à Chartres.

En effet, et ce sera évidemment super de jouer devant notre public. Maintenant, il va falloir harmoniser le calendrier car il y a les Jeux Mondiaux en Chine pendant cette période (NDLR : 7-17 août 2025).

Tu parlais auparavant de ta préparation estivale, sur quels points en particulier a-t-elle été axée ?

On a fait beaucoup de travail tactique et technique, notamment pour améliorer mes déplacements à l’avant du court, mais aussi du travail cognitif avec la prise d’informations, les interceptions etc. J’aime particulièrement cette période car elle me permet d’effectuer de réels progrès dans tous les compartiments de jeu. Mais le goût de la compétition revient rapidement et cela faisait déjà quelques jours que j’étais impatient de faire mes valises pour repartir en tournoi !

Tu vas être servi car le début de saison est particulièrement chargé en PSA, avec pour commencer le CIB Egyptian Open qui démarre pour toi samedi, contre Nick Wall ou l'un des 4 joueurs issus des qualifications.

Même si on ne s’est pas affrontés depuis quelque temps, Nick est un joueur qui m’a posé des problèmes dans le passé. Du coup je suis focalisé sur ce match et je ne me projette pas trop, même si je sais évidemment qu’ensuite il y a un potentiel 1/8^ème de finale contre Karim Abdel Gawad ou Marwan ElShorbagy. C’est vrai que ça redémarre fort mais c’est justement pour être prêt le plus rapidement possible que j’ai disputé les championnats d’Europe.

« Le tournoi de Paris au Cirque d'Hiver, je pense que ça va être super. »

Ce tournoi appartient à une nouvelle catégorie, Diamond, mais ça ne change pas grand chose pour toi car ça ressemble aux anciens Platinum (NDLR : tableaux de 48 avec un "bye" pour les têtes de série 1-16). En revanche, le Paris Squash 2024, qui a lieu du 15 au 21 septembre, sera le premier du nouveau format Platinum, avec 32 joueurs et seulement 8 têtes de série, et tu affronteras Karim Abdel Gawad dès le premier tour.

Concernant les Diamond, le prize money est plus élevé donc c’est une bonne chose pour les joueurs. Ensuite, personnellement je ne suis pas très fan du format des Platinum, ce serait préférable d’avoir 16 têtes de série. Même pour les joueurs classés de 1 à 8, il y a le risque de rencontrer le numéro 9 mondial dès le premier tour.

Victor Crouin (ici aux côtés de Camille Serme) a hâte de jouer au Cirque d'Hiver-Bouglione dans quelques semaines (Crédit photo : Paris Squash Project)

Néanmoins, c’est évidemment une bonne chose que le tournoi revienne à Paris pour une deuxième édition, tu dois être content de jouer en France.

Bien sûr, j’ai eu la chance de me rendre au Cirque d’Hiver et je pense qu’une fois le court installé et les tribunes remplies, ça va donner quelque chose de super ... De plus, il y a pas mal de monde, famille et amis, qui va venir me soutenir pour mon premier tour.

Il y a évidemment une échéance plus lointaine dont on parle beaucoup en ce moment, les JO de Los Angeles 2028 où le squash fera sa première apparition. Je crois savoir que tu as assisté à quelques épreuves à Paris ?

Oui, déjà je me suis rendu au Club France pour faire la promotion du squash avec la Fédération, et j’étais présent au moment de la victoire des Bleus en rugby à 7. Je suis revenu quelques jours plus tard pour voir du water-polo puis des épreuves d’athlétisme au Stade de France, saut en longueur, 400 mètres et 10 km. C’était super de vivre l’ambiance, ça donne envie d’être à Los Angeles dans quatre ans et de vivre l'expérience d'un village olympique.

Il y a quelques semaines, Victor Crouin a participé à une opération de promotion du squash au Club France pendant les JO de Paris (Crédit photo : FFSquash)

Les joueurs de squash ne sont pas habitués à faire une programmation sur quatre ans, est-ce que tu as déjà commencé à y penser ?

Oui on y réfléchit, par exemple en termes de planification, est-ce qu’il faut faire moins de tournois, etc. On a également discuté avec des personnes de l’INSEP, qui nous apportent des conseils en matière de préparation mentale. L’objectif, c’est d’arriver à un pic de forme dans 4 ans.

« Avoir vécu l'ambiance des Jeux à Paris, ça donne envie d'être en 2028. »

Est-ce que les JO sont déjà en permanence dans ton esprit, par exemple pendant tes tournois ?

Non quand même pas, surtout que déjà pendant un tournoi on prend match après match sans voir plus loin … Par contre, oui entre les compétitions j’y pense. Les Jeux Olympiques sont un évènement majeur, qui définissent la carrière d’un athlète, sans oublier qu’ils facilitent la recherche de sponsors.

À ce sujet, est-ce que tu ressens déjà un effet de l’intégration du squash aux JO dans ton environnement ?

Oui un petit peu, et j’espère que ça va aller crescendo. L’autre point crucial, c’est de savoir si le squash sera présent à Brisbane en 2032, et je sais que les instances y travaillent déjà activement. Évidemment, pour les joueurs et joueuses qui auront la chance de participer ce sera génial d’être à LA en 2028, mais si le squash n’est présent qu’une fois ce sera anecdotique.