On a déjà hâte de voir la suite ...

Article de Jérôme Elhaïk

Photo à la une Mikphotos 

Entre 2015 et 2019, les organisateurs de l'open de France (anciennement open international de Nantes) nous avaient fait visiter des sites emblématiques de la ville, du Lieu Unique au château des Ducs de Bretagne en passant par le majestueux théâtre Graslin. Après être passés par plusieurs états pendant la crise sanitaire, et même envisagé de mettre fin à l'aventure, François Le Jort et son équipe ont (heureusement) changé d'avis et décidé de se réinventer pour créer ce qu'ils appellent « La saison 2, » et qui devrait normalement comporter trois épisodes. Lors de la première, le lieu était en quelque sorte le centre de l'attention, et se suffisait à lui-même. Cette fois-ci, ils ont souhaité raconter une histoire tout en créant un concept, celui du Gang of Squash. Pour cela, direction le Hangar 24, site désaffecté autrefois utilisé pour le stockage de fruits. « On s'est à la fois inspirés du film Fight Club, et de la série Peaky Blinders, » affirme Romain Suire, qui au fil des ans prend de plus en plus d'épaisseur dans son rôle de maître de cérémonie. « Notre souhait, c'était qu'en pénétrant dans la salle les gens aient l'impression de participer à une soirée clandestine et d'assister à des combats entre les joueurs, raquette en main ... »

« On voulait que les spectateurs aient l'impression de participer à une soirée clandestine ... »

Pour ce premier épisode de leur saison 2, les organisateurs sont parvenus à créer une ambiance unique ... 📷 Nathan Clarke 

Un atelier de tatouages éphémères, des graffitis sur les murs, un stand de paris et bien sûr des concerts improvisés réitérant cette volonté de mélanger sport et culture : rien n'avait été laissé au hasard pour créer une ambiance underground. « Avec des moyens supplémentaires, je pense qu'on aurait pu faire encore mieux sur certains aspects, par exemple l'éclairage dans les deux salles, » affirme le toujours perfectionniste François Le Jort. « Mais je crois que la grande réussite de cette édition, c'est le concept (qui était un contre-pied et un coup de poker) et le côté immersif. On voulait vraiment prendre le spectateur par le main, et qu'il devienne un acteur de l'histoire. On est allés au bout de notre idée : j'ai entendu dire qu'on avait peut-être perdu du public en annonçant l'identité du lieu secret au dernier moment, personnellement je suis convaincu du contraire. Les gens de la PSA m'ont même dit que selon eux, c'était la meilleure des six éditions. De notre côté, on s'est bien amusés à mettre tout ça en place, et heureusement car sinon on aurait arrêté depuis longtemps ! »

Commentatrice vedette de la chaîne SquashTV, l'ancienne numéro 1 mondiale Vanessa Atkinson est rentrée dans le Gang of Squash ... 📷 Nathan Clarke 

« La recette est magique et le résultat parfait, » disait Julien Muller lors de la remise des prix. Le président de la Fédération Française de Squash faisait référence au mélange entre sport et culture, les artistes ayant une nouvelle fois donné une autre dimension à l'évènement. Et si sa réussite devait se mesurer à la ferveur du public, alors celle de l'open de France serait totale. Ça avait commencé sur de bonnes bases le lundi avec le match de double exhibition, pour rendre hommage à la carrière de Grégory Gaultier, et c'est allé crescendo : déjà électrique pendant le match d'Auguste Dussourd face à George Parker, l'ambiance est carrément devenue incandescente lors de la finale hommes remportée par Victor Crouin aux dépens de Marwan ElShorbagy. « L'une de nos priorités, c'est de démocratiser la discipline, » témoigne François Le Jort. « Dans les tribunes, il y a des gens qui ne pratiquent pas du tout le squash mais reviennent à chaque édition. »

Le public a été au rendez-vous tout au long de la semaine au Hangar 24 📷 Nathan Clarke 

« L'une de nos priorités est de démocratiser le squash »

Les néophytes sont dithyrambiques, ainsi que les stars de la discipline : combien de fois a-t-on entendu « best event on tour » de la part des participants au cours de la semaine ? Pour Nick Matthew, « tous les promoteurs de tournoi doivent aller à Nantes et voir de leurs propres yeux ce qu'il s'y passe. Je suis dans le squash depuis de nombreuses années et je n'avais jamais vu quelque chose de ce genre, il faut reproduire ce concept partout dans le monde sur le circuit ! »

Véritable légende du squash, Nick Matthew (à droite) a été impressionné par la qualité de l'organisation et le concept original 📷 Nathan Clarke 

Même s'il accueille les compliments avec fierté, ils ne constituent pas le carburant qui fait avancer François Le Jort. « Sans l'ombre d'un doute, c'est notre force, » déclare-t-il à propos de ceux qu'il appelle son équipage : les partenaires, les prestataires, les artistes (certains, comme DJ One Up, sont des habitués) et bien sûr les bénévoles. « Les chefs d'équipe sont les mêmes depuis le début. L'histoire de l'open de Nantes, ce n'est pas six fois une semaine, plutôt une aventure humaine qui dure depuis huit ans. Notre Gang of Squash, il est né à ce moment là sans le savoir. » Et ça n'est pas près de s'arrêter, car le GoG est déjà projeté sur 2023. Pas de lieu secret cette fois-ci, puisqu'on sait déjà que la septième édition se déroulera au LAB (Little Atlantique Brewery), tout près du Hangar 24 mais de l'autre côté du pont.

Bénévoles, public et artistes : depuis sept ans, ils participent à cette aventure incroyable qu'est l'open international de Nantes 📷 Étienne Laurent & Lauranne Rochais 

« L'histoire de l'open de Nantes, ce n'est pas six fois une semaine mais une aventure qui dure depuis huit ans »

Quand on lui demande si la proximité du Paris Squash Project - tournoi Platinum qui aura lieu dans la capitale fin août - pourrait être un problème, FLJ balaie d'un revers de la main. « On conservera cette date, car on aime bien que Nantes soit un événement de rentrée. Et en toute modestie, nous avons créé notre identité et sommes bien installés dans le calendrier. D'autre part, les organisateurs du PSP sont venus à Nantes, nous avons discuté et nous sommes tout à fait disposés à collaborer. Je crois qu'il faut plutôt se réjouir d'avoir deux beaux évènements en France, et d'autre part nous ne sommes par sur le même créneau. Certaines personnes me disent que Nantes doit passer en Gold voire Platinum, je pense au contraire que l'on doit garder notre positionnement dans la catégorie Bronze ou Silver qui correspond parfaitement à notre identité. »

François Le Jort (à gauche) et Romain Suire font partie des maillons essentiels du comité d'organisation 📷 Lauranne Rochais 

L'open de France 2022 aurait été une réussite quel que soit le résultat de la finale hommes, mais le succès de Victor Crouin face à Marwan ElShorbagy (12-10 dans le cinquième jeu) a été une forme d'apothéose. La communion entre le jeune Toulonnais et le public nantais a été totale, et l'émotion si forte qu'on a vu des larmes couler dans les tribunes après la balle de match. Sur le court, Victor a continué sur sa lancée du Qatar Classic et son titre acquis sur les bords de la Loire (le premier sur le PSA World Tour) lui a permis d'intégrer le top 10 mondial, à seulement 23 ans. Hors du court, il fait preuve d'une grande disponibilité – notamment auprès des enfants – et d'une sincérité rafraîchissante dans ses interviews. Après les retraites quasi-simultanées de ses étendards Grégory Gaultier et Camille Serme, tous les deux présents au cours de cette folle semaine nantaise, Victor Crouin a tout pour devenir le nouveau chouchou du squash Français.

Victor Crouin et Nele Gilis, lauréats de l'open de France 2022 📷 Nathan Clarke 

La finale du tableau féminin a engendré moins de suspense, les prises d'initiative de Tinne Gilis se heurtant systématiquement à la défense de fer de sa sœur Nele. Déjà lauréate au théâtre Graslin en 2018, cette dernière n'a pas hésité à déclarer « Je t'aime, Nantes, » en français, lors de la remise des prix. On a même entendu parler d'un possible emménagement de la Belge dans la cité des Ducs en cas de troisième succès … Outre Victor Crouin et Nele Gilis, d'autres joueurs et joueuses ont brillé sur le court vitré installé au sein du Hangar 24, ainsi que sur les parquets de La Maison du Squash. On pense évidemment à Auguste Dussourd, tombeur de Grégoire Marche puis de George Parker dans une ambiance de feu, avant de buter sur le futur vainqueur. On citera également l'Anglais Declan James, grand habitué du tournoi et qui a confirmé son retour en forme. Chez les filles, les jeunes Égyptiennes ont brillé, à commencer par Fayrouz Aboelkheir (16 ans). Intégré dans le tableau au dernier moment, elle a atteint le dernier carré grâce à trois victoires sur des adversaires mieux classées, et on devrait rapidement reparler d'elle.

Le parcours de Fayrouz Aboelkheir à Nantes est l'une des belles histoires de cet open de France 2022 📷 Lauranne Rochais 

À plusieurs reprises, les organisateurs n'ont pas manqué de remercier la FFSquash. Cette dernière a non seulement apporté un soutien financier et logistique, mais aussi organisé plusieurs actions autour de l'évènement : le weekend précédent, un séminaire réunissant de nombreux éducateurs – en présentiel et en visio – animé par Renan Lavigne et Julien Balbo ainsi qu'un tournoi intitulé « Open des jeunes de l'open de France » ayant rassemblé 27 participants à La Maison du Squash. Les vainqueurs avaient pour nom Louenn Habouzit (La Rochelle) chez les -9 ans, et Alan Maingot (Royan) dans le tableau -13/-15/-17 ans. Le weekend suivant, c'était au tour de 34 vétérans de s'affronter sur les parquets de Sautron, la plupart ayant également assisté à des matches au Hangar 24. Récent médaillé de bronze au championnat du monde en +55 ans, l'inusable Jean-Jacques Pineau (néo-pensionnaire de Montigny) s'est logiquement imposé dans le tableau A, alors que les autres ont été remportés par deux joueurs de Rennes Squash, Laurent Huon et François Gendrot, et Laurent Klein (Nantes Squash Sautron). Les jeunes étaient de retour sur le devant de la scène le samedi soir : en lever de rideau des finales, deux matches exhibition ont permis à des espoirs du squash Tricolore d'évoluer sur le court vitré et de montrer leur talent : dans un remake de la finale du dernier championnat de France -17 ans, la Rochelaise Lilou Brévard-Belliot a battu Inès Guyot (Squash 95), alors que dans un duel opposant deux joueurs titrés à maintes reprises en jeunes, le Corse Antonin Romieu a battu sur le fil un autre Rochelais, Laszlo Godde.

Antonin Romieu (en bleu) et Laszlo Godde ont eu l'honneur de se produire en lever de rideau des finales 📷 Étienne Laurent

 À l'année prochaine pour la 7ème édition ! En attendant, revivez celle de cette année grâce au superbe aftermovie de la PSA