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OPEN DE FRANCE - NANTES 2019 : UNE SEMAINE DE RÊVE ...
Événements 20/09/2019... une de plus ! Année après année, les organisateurs de l'open international de Nantes - rebaptisé open de France - ne cessent de nous étonner, et la cinquième édition qui s'est déroulée la semaine dernière n'a pas dérogé à la règle.
Transcendé par la performance de Camille Serme, vainqueur du tableau féminin dans une ambiance incroyable au château des Ducs de Bretagne, le tournoi a encore une fois fait l'objet d'un concert de louanges. On vous explique pourquoi.
Article de Jérôme Elhaïk
Crédits photos : Lauranne Rochais, Philippe Rochais, Ladies Squash, Nicolas Barbeau, Mikphotos.fr
CAMILLE SERME ET PAUL COLL ONT PRIS LES CLÉS DU CHÂTEAU
Le directeur du tournoi François Le Jort est le premier à le rappeler : les acteurs principaux en sont les joueurs. Annoncée comme le premier rôle de cette pièce en cinq actes – comme le nombre de soirées au château des Ducs de Bretagne – Camille Serme s'est montrée à la hauteur (retrouvez notre entretien exclusif CAMILLE SERME : « CETTE SEMAINE À NANTES A ÉTÉ INCROYABLE ! »). « Ça faisait trois ou quatre ans que je regardais ce tournoi à la télé, » a-t-elle déclaré lors de la remise des prix. La Française n'a qu'une parole : elle avait promis de venir en cas d'augmentation de la dotation, et était bien à Nantes plutôt qu'au China Open, offrant plus de points pour le classement et auquel ont participé les autres joueuses du top 5 mondial. « Je n'ai pas hésité très longtemps, » admet-elle. « On a très peu de grands évènements en France et j'étais heureuse de venir représenter mon pays. » Un peu tendue à l'allumage (« je n'ai pas l'habitude de disputer un premier tour devant autant de monde. »), Serme a ensuite été la véritable patronne du château. Que ce soit en demi-finale face à la jeune Hania El Hammamy, pourtant impressionnante depuis le début de saison, ou en finale contre une Amanda Sobhy évoluant à un très haut niveau. « Dès le premier match, je me suis sentie bien sur le court, » confie la numéro 3 mondiale. Le résultat d'un gros travail estival, effectué en compagnie de son nouveau préparateur physique Frédéric Pfeferberg, et qui met encore davantage en valeur les qualités offensives et de combativité qu'elle a toujours affichées. Des qualités qui lui ont permis d'aller chercher une victoire spéciale à plus d'un titre (« je la place derrière ses trois titres majeurs, mais vraiment pas loin, » confiait son entraîneur Philippe Signoret) : non seulement c'était son premier succès sur le circuit depuis février 2017, mais il a aussi été obtenu devant son staff, sa famille et ses amis, ainsi qu'un public Nantais conquis. « Il nous a portés, » disait Camille en recevant son trophée. Elle va maintenant tenter de surfer sur cette vague de confiance en traversant l'Atlantique, avec San-Francisco et l'US Open à son programme. Les États-Unis (un pays qui lui réussit généralement très bien) seront une rampe de lancement vers l'objectif majeur de sa saison – et de sa carrière : le championnat du monde individuel, qui se déroule fin octobre dans le fief de ses rivales Égyptiennes (au pied des Pyramides de Giza). La tâche s'annonce rude, mais si Camille Serme affiche les mêmes dispositions qu'à Nantes, tous les espoirs lui sont permis.
"Le public nous a portés" Camille Serme
Camille Serme et Paul Coll, lauréats de l'open de France - Nantes 2019 Presented by Tailor Capital
À l'instar de la Française, Paul Coll n'a pas remporté le plus grand titre de sa carrière à Nantes. Mais les explosions de joie du Néo-Zélandais après chacun de ses matches en disaient long sur sa satisfaction. « J'ai produit mon meilleur squash en finale, » racontait-il après sa victoire en finale face au Gallois Joel Makin. « Commencer la saison par un titre, on ne peut pas rêver mieux. Joel a très bien joué. J'ai failli perdre le premier jeu alors que j'étais devant au score, je pense que ça aurait pu changer la dynamique du match. Il est encore revenu au score dans le troisième, je me suis relâché et il en a profité alors que je menais 9-4. J'étais content de gagner 3-0 car ça aurait été dur de repartir. » Conseillé depuis cet été par le très réputé entraîneur Anglais Rob Owen (qui est également celui de Makin), Coll ne cache pas ses ambitions : aller titiller le top 4 mondial, composé intégralement d'Égyptiens. Premier élément de réponse, à partir du 5 octobre à l'US Open. Outre celles et ceux déjà cités plus haut, quels autres joueurs ont marqué les esprits à Nantes ? Pourtant, menée 7-1 dans le troisième jeu, Emily Whitlock a pris une éclatante revanche sur Nele Gilis après sa défaite en finale l'an dernier, avant de passer près d'un exploit face à Sarah-Jane Perry. Douzième mondiale en 2017, l'Anglaise de 25 ans avait ensuite connu des blessures mais sera peut-être l'une des joueuses à suivre en 2019-2020. Il y a eu davantage de surprises chez les hommes, notamment grâce aux Français (voir ci-dessous LES BLEUS PORTÉS PAR L'AMBIANCE).
UNE RÉUSSITE TOTALE
« Crevés mais excités comme des vainqueurs, » disait François Le Jort en ouverture de son discours lors de la remise des prix. Interrogé au téléphone le surlendemain de l'épilogue de cette cinquième épopée Nantaise, le directeur du tournoi était déjà l'heure des bilans, « après une nuit de 10 heures réparatrice (rires). » On ne sait pas encore si c'est la fin d'un cycle ou le début d'un nouveau (« c'est un peu tôt pour le dire, il faudra prendre du recul. »), mais une chose est sûre : cette édition, rebaptisée open de France et au niveau sportif en forte hausse grâce au soutien la société Tailor Capital, a été une immense réussite, saluée par l'ensemble des acteurs et spectateurs. « Tous ces commentaires nous font évidemment très plaisir, » glisse FLJ. « Mais je sais relativiser, et dire que ce tournoi a été le plus beau de l'histoire du squash, c'est peut-être un peu too much ... » Too much, really ? Il n'y avait qu'à voir la tête des commentateurs de SquashTV, Simon Parke et Joey Barrington après la finale hommes, presque déprimés que la fête soit déjà finie. « Je crois que Joey nous aime bien, » ajoute Le Jort. « Il n'en revenait pas qu'il y ait autant de monde quand les matches se sont terminés à 1 heure du matin ... »
Les photographes s'en sont donnés à cœur joie pour immortaliser le site de cette édition 2019, le château des ducs de Bretagne
"Le fait de bénéficier d'un véritable espace de convivialité a été un énorme plus." François Le Jort
Un élément que les organisateurs ne maîtrisaient pas a été de leur côté : la météo. « On a eu de la chance, et le fait qu'il fasse beau toute la semaine a permis de complètement mettre le château en valeur avec les jeux de lumière sur la façade. D'autre part, le fait de bénéficier d'un véritable espace de convivialité (contrairement à l'an dernier au théâtre Graslin) a été un énorme plus. » Valeur ajoutée également côté court, avec la présence d'une quinzaine de membres des top 20 mondiaux. Au milieu d'un emploi du temps surchargé, François Le Jort a eu le temps de regarder quelques matches, « dont le quart de finale Marche-Rösner qui m'a beaucoup plu. Je citerai également Coll-Castagnet, c'est dans ce genre de matches qu'on constate que les joueurs de ce niveau jouent plus vite en prenant la balle plus tôt. La finale Coll-Makin était plutôt pour les puristes, mais elle n'était pas décevante. Et c'est évidemment super pour le public qu'une Française gagne ! Camille a très bien joué, mais je retiens également la prestation d'Amanda Sobhy. Elle a un tel relâchement et un tel flegme entre les points qu'on a l'impression qu'elle ne bouge pas mais c'est tout le contraire ... »
LES BLEUS PORTÉS PAR L'AMBIANCE
Un mot était sur toutes les lèvres la semaine dernière à l'open de France : ambiance, ou atmosphere en Anglais. Il faut dire qu'elle a tout simplement été incroyable, de l'entrée en scène de Camille Serme face à Coline Aumard le premier jour (au point de provoquer la nervosité de la n°1 française, qui en a pourtant vu d'autres) jusqu'au dernier point de la finale masculine. Le public, massé dans les tribunes installées au sein d'un chapiteau dont le toit transparent permettait d'admirer la façade du château illuminée en même temps que les matches, a fait encore plus de bruit que lors des quatre opus précédents. « On a eu plus de 5 000 spectateurs au total, » indique François Le Jort. « D'après notre ordinateur de bord Gabriel Boulanger (rires), ce chiffre nous place dans le top 4 des meilleures affluences sur le circuit, et sans doute tout en haut en matière de taux de remplissage (94 % !). » La beauté de cet événement est la diversité de son public : on y trouve évidemment des mordus de squash, en provenance de toute la France et même de l'étranger, mais pas seulement. « Le plus grand talent des organisateurs est cette capacité unique à attirer des gens qui ne connaissent pas ce sport, » confiait Rémy Mabillon, gérant de la société Tailor Capital et acteur de plus en plus important de la discipline. C'est pour eux que depuis le début de l'aventure, Le Jort et ses acolytes ont placé cet évènement sous le signe du mélange entre sport et culture. Pas facile de passer après la sublime soprano Anne-Sophie Duprels, qui avait enchanté le théâtre Graslin l'an dernier, mais les artistes présents (le fidèle DJ One Up, le pianiste Amaury Faye, et les danseurs Sophie Blet et Maxime Herviou – sans oublier le chorégraphe Alexandre Blondel) s'en sont bien sortis. « Je trouve également que Romain Suire n'a jamais été aussi bon, » glisse Le Jort. Le crazy French speaker comme on l'appelle désormais à l'étranger, n'a comme d'habitude pas ménagé sa peine : tout d'abord sérieux pour expliquer le squash aux néophytes, puis l'instant d'après déguisé en Louis Lefèvre-Utile, l'inventeur du Petit Lu ...
À l'image de Grégoire Marche (en haut à gauche, en blanc) et Mathieu Castagnet (en bas à droite, en noir), les Bleus ont su élever leur niveau de jeu dans une folie Nantaise que Grégory Gaultier (en bas à gauche) espère vivre sur le court plutôt que dans les tribunes l'an prochain
"Nantes est pour moi dans le top 3 des meilleurs tournois du circuit" Mathieu Castagnet
Est-ce un hasard si la majorité des joueurs Français a joué à un niveau au-dessus de son classement ? Évoluer à domicile créé un contexte favorable (présence du staff et des proches, envie de briller devant son public) dont ils ont rarement l'occasion de bénéficier, et ils n'ont pas laissé passer cette chance. « J’aurais aimé aller encore plus loin, mais je vais revenir plus fort l’année prochaine ! Sachez que c’est grâce à vous tous que j’ai des sensations incroyables chaque année à Nantes, » disait Grégoire Marche après sa défaite en demi-finale face à Joel Makin. Auteur de l'une des plus belles performances de sa carrière face au n°5 mondial Simon Rösner au tour précédent, le triple vainqueur (2015, 2016 et 2017) s'est heurté au roc Gallois après avoir mené 2 jeux à 0. Deux points, c'est ce qu'il aura manqué à Mathieu Castagnet pour faire chuter le futur vainqueur, Paul Coll. Débarrassé de ses soucis physiques et tombeur du tenant du titre Declan James, le French Warrior est de retour. « Nantes est pour moi dans le top 3 des meilleurs tournois du circuit, » n'a-t-il pas hésité à dire. « Le bilan des joueurs Français est positif, » ajoute l'entraîneur national Renan Lavigne, qui évoque également la "perf" de Benjamin Aubert face au néo-champion d'Europe Raphael Kandra. Seule fausse note, la sortie prématurée du héros de l'édition 2018 Baptiste Masotti, éprouvé après un aller-retour express en Chine. Chez les filles, si Mélissa Alves et Coline Aumard (vainqueur d'un duel franco-français haché au premier tour) avaient la malchance d'être dans la partie de tableau de Camille Serme, Énora Villard a confirmé que sa quatrième place au championnat d'Europe n'était pas un hasard : affûtée comme jamais après une préparation estivale intense (la même que la n°1 française ...), elle a de nouveau battue la jeune Belge Tinne Gilis, avant de se heurter à Alison Waters. On n'oublie pas Grégory Gaultier : vainqueur du dernier grand évènement organisé dans l'hexagone avant la semaine dernière – les Internationaux de France en 2008 – le French General, qui a repris l'entraînement très récemment après une grave blessure au genou, a apprécié le spectacle depuis les gradins. Si son corps le lui permet, il a d'ores et déjà pris rendez-vous pour 2020 ...
PASSION, PUISSANCE ET FRAGILITÉ
Un évènement réussi, c'est un peu comme un immense puzzle où chaque pièce s'emboite l'une dans l'autre sans accroc. En ce qui concerne l'open de France – Nantes 2019 Presented by Tailor Capital, on peut citer pêle-mêle : les joueurs bien sûr, le public, les arbitres, les 68 partenaires (publics et privés), les artistes invités, les photographes, eux aussi de véritables artistes, les médias présents (dont SquashTV, qui assure une couverture internationale au tournoi), La Maison du Squash, club hôte des premiers tours, les participants à l'open de France amateur ainsi que les jeunes qui ont joué en lever de rideau des finales (j'en oublie sûrement, qu'ils m'en excusent). Mais il y aussi, et surtout, les 135 bénévoles, qui pour Lejort forme « une équipe passionnée, puissante et fragile à la fois. Sans eux, pas de tournoi. » « Une armée, » ajoute Renan Lavigne, qui leur a rendu un vibrant hommage sur la toile il y a quelques jours. « Mais elle n’attaque personne. Elle n’est offensive que dans le rendu de services, la mise en quatre pour être aux petits soins avec tous les protagonistes. À n’importe quelle heure du jour et de la nuit. »
"Sans bénévoles, pas de tournoi." François Le Jort
L'open international de Nantes, un véritable puzzle dont les bénévoles sont la pièce centrale
2020, C'EST DÉJÀ DEMAIN ...
Tous les ans, la question est la même : et maintenant ? Le mystère autour du site d'accueil étant l'une des marques de fabrique de l'évènement, François Le Jort est évidemment énigmatique à ce sujet. « Dans ma tête, il y avait 12 lieux au départ, il en reste donc 7 ... Après deux éditions en intérieur, ce serait bien de revenir en extérieur en 2020. Mais comme d'habitude il faudra convaincre les directeurs de site. Tout est une question de rencontres et de planning. » Autre changement évoqué par le directeur du tournoi, la recherche de partenaires. « C'est vraiment le domaine dans lequel on doit se professionnaliser, la "hard crew" (NDLR : les bénévoles les plus investis, dont il fait évidemment partie) n'a pas le temps et l'énergie nécessaires à y consacrer. » Ce que l'on sait en revanche, c'est que les discussions fructueuses avec le partenaire principal et les instances nationales et internationales vont permettre une reconduction du statut du tournoi (Silver), et que sa date sera inchangée. Avant qu'il ne reprenne sa vie "normale" (« parmi mes projets en cours, il y a la construction d'un belvédère dans les vignobles Nantais, et la préparation du salon Rendez-vous en France qui aura lieu à Nantes en 2020, » confie celui qui est directeur de production), on laisse le mot de la fin à François Le Jort. « Petit message aux non pratiquants : en attendant l'an prochain, surtout n'essayez pas le squash, vous risqueriez de sombrer dans une addiction ... »
"Concernant le site d'accueil, tout est question de rencontres et de timing ..." François le Jort
François Le Jort a délivré un discours de clôture plein de finesse et d'émotion
L'AVIS DU DTN
« L'open de France, qui s'est achevé samedi dernier, a été une belle réussite. Merci à l'équipe nantaise pour ce très beau travail, ainsi qu'aux partenaires pour la confiance témoignée envers le squash. Que retenir de cet événement ? Beaucoup de choses, mais relevons-en principalement trois. En premier lieu, un tournoi Silver permet la participation de très nombreux joueurs Français, alors que leurs équivalents Gold ou Platinum sont souvent l'apanage des joueurs Égyptiens. Or, nous savons bien que les résultats des Bleus participent grandement à la liesse collective. La limite de cette posture est la prise de risque des Tricolores qui, comme Camille Serme, occupent les premières places du classement mondial. Participer à cette édition était forcément synonyme de prise de risque pour elle, notamment à la lumière de la victoire de Nour El Tayeb à Shanghai la semaine précédente. Ensuite, il se murmure que le squash est une discipline à maturité tardive mais on constate que ce n'est pas le cas dans tous les pays. La jeune Égyptienne de 19 ans Hania El Hammamy, championne du monde junior et récente tombeuse de Joelle King en Chine, a été stoppée par une Camille Serme flamboyante ! Le monde des seniors et celui des juniors doivent donc être plus poreux. Nous en avons discuté sur place avec les deux entraîneurs nationaux ainsi que le responsable du haut niveau, cette discussion s'étant nourrie des travaux statistiques du président de la ligue Auvergne Rhône-Alpes, Serge Parbaud. Nous souhaitons confier aux entraîneurs seniors des missions plus transversales, afin qu'ils puissent également accompagner la performance des plus jeunes en instaurant notamment un dialogue accru avec les autres entraîneurs fédéraux.
"Nous souhaitons instaurer un dialogue accru entre les entraîneurs des équipes senior et les autres entraîneurs fédéraux."
Bruce Neuffer (à gauche), ici en compagnie des joueuses et de l'entraîneur de l'équipe de France fémnine, a profité de sa venue à Nantes pour tirer plusieurs enseignements
Enfin, le format des matches en deux jeux gagnants possède un vrai charme. Certes, il n'y a pas de consensus chez les joueurs, il est difficile d'installer une stratégie, le match est frustrant etc. Tout cela est peut-être vrai. Mais côté gradins, quel spectacle ! Plus courts, plus nerveux, les matches offrent un véritable show où les hiérarchies peuvent, en outre, être facilement bousculées. En résumé, bravo aux organisateurs, bravo aux joueurs mais aussi, bravo au public qui, par sa chaleur et sa présence, a peut être été le contributeur principal de cette belle épopée 2019. »
Bruce Neuffer, directeur technique national
À l'année prochaine pour la 6ème édition ! En attendant, revivez celle de cette année, notamment la victoire de Camille Serme, grâce à la chaîne YouTube du PSA World Tour